samedi 30 mai 2020

La signification

Si vous lisez un texte sans chercher à l'appréhender aussi parfaitement que possible (je parle d'un texte par lequel l'auteur veut transmettre une idée), vous comprenez sans doute que ça ne sert à rien. Vous perdez votre temps, sauf si vous vous endormez avec, cela peut au moins avoir cette utilité ; mais si c'est le cas, je vous conseille une berceuse. Donc je vais supposer que vous cherchez à comprendre le texte que vous lisez. 

Pour le comprendre, vous devez essayer d'entrer dans la tête de l'auteur. Car sa tête et la vôtre sont différentes. Ses significations sont différentes des vôtres, pour chacun des mots que vous lisez. Pas entièrement différentes, mais un peu différentes (sans parler des erreurs sur la définition imputables à l'un ou l'autre), et jamais différentes de la même manière entre tous les auditeurs ou lecteurs. Sur un grand nombre de mots, il y a d'autant plus de différences. Il y a toujours un grand flou qui s'établit sur la compréhension d'un texte. C'est normal, je ne vais pas extraire ma cervelle pour vous la transférer. Et il n'y a pas encore de clé USB ou de carte SD qui me permette de faire un transfert de mes images mentales. On n'en est pas encore là...

Un mot n'est pas qu'une étiquette dont la définition est composée d'autres mots qui sont autant d'étiquettes. Un mot doit avoir une signification. Chacun d'entre nous acquiert cette signification au cours de sa vie et la complète au fur et à mesure de sa rencontre avec ce mot et la chose qu'il représente (objet, évènement, idée, ou autres). Cette expérience que l'on a de chaque mot de notre vocabulaire est tout à fait personnelle. Il ne peut donc y avoir d'identité de compréhension parfaite pour chaque mot entre les personnes.

La compréhension est en fait une illusion. Puisque nous avons nécessairement une compréhension personnelle des mots quand nous les entendons. Chaque mot entendu, quand il est connu, déclenche quelque chose qui nous est propre, selon notre réceptivité du moment et du cours de notre vie. Mais ce n'est jamais identique à ce que l'émetteur de ce mot a voulu exprimer, car il a lui-même sa propre compréhension du mot soumis à ses expériences, à son vécu personnel. Il est donc inutile de prétendre comprendre totalement celui qui nous parle ou le texte qu’on lit. Ce n'est toujours qu'approximatif.

Dans le cas d'un roman, de pure littérature, cela n'a pas d'importance, car le but est celui de faire germer l'imaginaire du lecteur ; mais pas qu'il y ait une compréhension exacte des arguments de l'écrivain. Pour un texte à idées qui s'adresse à de multiples lecteurs, l'auteur ne peut évidemment composer son texte en fonction de chaque lecteur. Cela se comprend n'est-ce pas ? Alors le mieux qu'il peut faire est d'émettre son opinion telle qu'il la ressent tout en sachant qu'il ne peut être compris parfaitement et encore moins si le lecteur ne fait pas l'effort surhumain d'imaginer d'où peuvent bien provenir le fatras d'idées qui sont censé lui faire prospérer les siennes à peu près à l'identique. 

Si l'auteur lui-même n'est pas au courant de l'impossibilité de transmission exacte, cela risque d'être encore plus délicat. Mais vous avez de la chance, je suis au courant de ce faux parallélisme entre nos mentalités. Alors que pensez-vous que je vais faire ? Comment vais-je m'y prendre ? 

Eh bien, je vais multiplier mes approches. Peut-être qu'à la longue certaines personnes vont me comprendre. 
Et je dis d'abord bravo à ceux qui ont compris ma démarche. C'est vraiment fort. Quant à moi, j'en aurais été incapable.

Donc l'idée que je m'efforce de transmettre est que nous sommes tous « innocents d'exister », car nous avons tous été « contraints d'exister ». Cela me parait tellement évident. Mais pourtant je suis sûr d'une chose c'est que cette idée simple heurte la logique erronée qui est celle de nos sociétés. Selon nos sociétés, et il semble de tout temps, nous sommes quasiment coupables dès notre naissance. Nos propres parents vont nous installer cette idée absurde et affreuse de notre culpabilité. Le moindre de nos gestes est culpabilisable. Cela sert sans doute à nous guider comme des baudets sur le chemin de la vie. Vous en rendez-vous compte ? Comment ce pauvre chérubin, innocent d'exister, contraint à la souffrance dès son premier souffle et aussitôt vivant installé dans le couloir de la mort, peut-il être culpabilisé d'exister alors qu'il n'a rien demandé à personne ? 

Et pourtant c'est ce qu'ils font, et c'est ce que nous faisons tous, excepté quelques personnes et moi-même depuis que nous avons admis la notion d'innocence d'exister. Depuis que j'ai compris, je suis plus que perplexe et ébahi d'être un des rares privilégiés à avoir rencontré cette vérité absolue. Prenez-en conscience, vous verrez quelle étrange sensation cela procure.

Fin – E. Berlherm

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