samedi 2 décembre 2023

Le Mérite Universel et l'Innocence d'Exister

Le Mérite Universel et l'Innocence d'Exister

Les humains ont confondu le mérite et les capacités. Ils ont aussi confondu la responsabilité de soi avec l'autonomie. Les humains ont oublié des choses essentielles dans leur analyse d'eux-mêmes. Ils préfèrent se raconter des histoires plutôt que d'entendre dire des vérités sur ce qu'ils sont exactement. Il est clair que nous sommes tous innocents d'exister, mais c'est une expression que je n'ai jamais lue dans aucun texte philosophique, alors qu'elle est essentielle et devrait changer le paradigme de vie en société.

S'il est facile de faire entendre et peut-être comprendre à une seule personne cette notion d'innocence d'exister, par contre pour la faire admettre par la société dans son ensemble ou seulement par le Législateur et la Justice, cela me semble une gageüre.

Pour les besoins de la société, celui qui sert la société est méritant. La société recherche les meilleurs (aristocratie) et les récompense en fonction de ce qu'ils font pour la société. Mais quel mérite y a-t-il à être capable de faire et de le réaliser, comparé à celui qui n'en est pas capable et ne peut donc faire, mais tente de le réaliser ? Les uns comme les autres ont été fabriqués et éduqués par la société. La société fabrique les personnes au hasard et les éduque au hasard. Le résultat étant aléatoire, la société attend qu'ils se dévoilent d'eux-mêmes. Elle appelle ça le mérite quand cela va dans le sens qui convient à la société. La société fabrique et éduque les instruments sociaux (les personnes) et les récompense quand elle-même a bien réussi son propre travail de fabrication et d'éducation ; c'est un concept étrange en soi n'est-ce pas. On comprend facilement qu'une personne douée sera d'autant plus rentable dans un environnement qui convient à ses dons et son activité. Mais pourquoi devrait-elle, cette personne déjà favorisée par le hasard, mériter plus de bienêtre qu'un être humain lambda qui n'a pas demandé à exister, mais que la société a désiré pour la servir ?

Nous méritons tous le bienêtre sans avoir à le quémander. Nous le méritons parce qu'on nous a imposé l'existence, parce qu'on nous a mis devant le fait accompli. Nous ne devons pas chercher à le mériter, nous le méritons parce que nous sommes humains et que nous avons le choix de ne pas faire d'enfants quand les conditions de bienêtre ne sont pas assurées. L'enfant qui est fabriqué ne doit pas être une condition du bienêtre de celui qui le fabrique. Le bienêtre doit préexister avant que ce choix soit réalisé par celui qui existe et devrait lui-même exister dans le bienêtre. Si vous ne possédez pas ce bienêtre vous-mêmes, ne fabriquez pas d'enfant ; l'enfant ne peut être un exutoire. Nous méritons le bienêtre parce que nous sommes innocents d'exister puisque nous avons été contraints d'exister (la contrainte implique l'innocence), nous le sommes tous indifféremment, et parce que nous nous vantons d'être des humains et pas de simples animaux.

L'existence n'est jamais le résultat d'un désir ou d'une volonté personnelle.

Nous sommes innocents d'exister parce que nous n'existons pas à notre demande, et nous restons innocents d'exister jusqu'à la fin de notre existence. Nous sommes innocents d'exister et de nos actes tout au long de notre existence parce que chacune des cellules vivantes qui nous composent, et sont et font notre vie d'être multicellulaire, sont innocentes d'exister et innocentes de leurs actes. La somme de cellules innocentes d'exister et de leurs actes composent un être multicellulaire innocent d'exister et de ses actes. La somme de cellules ne change pas la valeur des mécanismes, elle ne change que le type de mécanisme produit, cela reste un mécanisme. Je suis innocent de l'activité de tout ce qui est actif en moi, et donc innocent des actes qui en résultent. Je ne peux produire les activités internes qui produisent ce qui me fait agir ; j'en suis le résultat, mes actions en sont le résultat. Je n'aurais rien pu produire sans cette existence qui est une contrainte.

Toute chose qui existe ne peut être responsable de son existence. Il y a l'existence permanente, l'univers par exemple (l'univers étant par définition Tout, quel que soit ce Tout), et il y a l'existence induite par les mécanismes de l'univers ; existence qui provient des mécanismes de l'univers.

L'univers est « aresponsable ». Ses mécanismes sont aresponsables. La matière est aresponsable. La vie monocellulaire et multicellulaire est aresponsable. L'univers est aresponsable des êtres qu'il a produits, des êtres qui se disent intelligents. Il est aresponsable de tout ce qui existe, de tout ce qui interagit. Les êtres qu'il a produits sont aresponsables puisque constitués de ses mécanismes ; les êtres qui se disent intelligents, comme les autres.

Les sociétés humaines, les nations, se sont instituées par conquête territoriale. Un chef était nécessaire pour coordonner le nomadisme d'une petite tribu, comme une tête est nécessaire pour coordonner les cellules d'un animal multicellulaire. Les chefs se sont proclamés rois quand les tribus ont cessé d'être nomades et ont occupé un territoire bien défini. Les rois ont organisé la défense (contre les autres nations frontalières) du territoire qui est devenu « leur » territoire, alors que les habitants devenaient « leurs » sujets. Dans une tribu tout le monde était un associé. Dans les démocraties actuelles, les citoyens sont censés être des associés égaux « de naissance » (ce qui est impossible, physiquement, intellectuellement, culturellement, pécuniairement), le territoire étant censé leur appartenir (ce qui est faux et même mensonger puisqu'ils doivent l'acheter pour se loger et pour se nourrir et payer des taxes au même titre qu'un étranger).

Du point de vue social, on ne peut imposer une responsabilité à quelqu'un qui n'en veut pas. La loi est claire à ce sujet. Or la vie est imposée avec tous les actes sociaux qui sont nécessaires pour vivre en société. Comme la vie n'a pas été acceptée avec contrat signé par avance, la responsabilité sociale ne peut être imposée. La responsabilité parentale ne peut être transférée aux enfants par une sorte d'héritage génétique, les parents ayant eux-mêmes de toute façon été introduits en société sans leur accord, sans contrat social. Personne ne peut être contraint de signer ce contrat social par chantage à la protection sociale, ou aux soi-disant bienfaits de vivre en société, après insertion sociale contrainte.

Les gens n'ont pas un salaire au mérite, ils ont un salaire à la rentabilité, ils ont un salaire en fonction de l'offre et de la demande : les gens doivent se faire désirer pour survivre alors qu'ils ont été désirés par leurs parents et leurs associés, les membres de la « Société ».

Si vous parlez d'un libre arbitre pour justifier le mérite d'une punition ou d'une récompense, alors c'est à vous de faire la démonstration de l'existence de cette fonctionnalité ou d'en demander la démonstration par la science officielle. Dans tous les cas et dans tous les domaines de la loi, de la justice, de l'éthique, le doute profite à l'accusé. Mériter une punition ou une récompense n'est justifiée que si la responsabilité individuelle peut être prouvée malgré l'innocence d'exister, l'aresponsabilité, le déterminisme, le continuum, l'impossibilité du libre arbitre, ainsi que la notion de précurseur. Si quelqu'un m'impose un libre arbitre et une responsabilité sans mon accord suis-je en droit de les refuser ? Au moins devrais-je être en droit de les réfuter. Eh bien, je les réfute...

Peut-être croyez-vous en votre propre mérite ! Peut-être pensez-vous que vous méritez votre très bon salaire, vos revenus au-dessus de la moyenne ! Peut-être pensez-vous que vous méritez la plus belle vie que vous menez comparée à celles d'autres. Mais comment imaginez-vous que ce mérite puisse découler d'une action qui n'est pas un mérite, celle d'exister ? Exister n'est pas un mérite, c'est un fait. Vos parents avec l'accord de la société vous ont imposé l'existence, ils vous ont fabriqué, en fait votre mère vous a fabriqué. Vous avez été mis devant le fait accompli d'exister. Cette fabrication maternelle est aléatoire. Vous naissez mâle ou femelle, vous naissez en bonne santé ou en mauvaise santé. Vous naissez handicapé ou moins handicapé. Vous naissez avec un bon intellect ou moins bon. Vous naissez dans une bonne famille ou une moins bonne famille, ou même pas de famille du tout. Vous naissez dans une famille cultivée ou moins cultivée, riche ou moins, ou pauvre, ou cherchant à survivre. Comment pensez-vous que cet aléa initial puisse vous donner le droit de mériter une vie supérieure à celles des autres ? Il n'est pas question que vous n'ayez pas le droit à une très belle et longue vie, dans le bonheur, le bienêtre, et une vie passionnante, non il est question de mériter mieux que les autres. En quoi cet aléa initial, alors que nous nous considérons humains, humanistes par principe, socialement et individuellement éthique, égal, nous autorise-t-il à nous octroyer plus de richesses que les autres ? Supposer que l'on mérite une meilleure vie, c'est supposer que les autres ne la méritent pas.

Si vous voulez savoir qui est méritant dans un système social éthique dans lequel la notion de responsabilité individuelle serait validée malgré l'innocence d'exister, il faudrait contrôler très exactement (très précisément) le potentiel physique et intellectuel de deux personnes et ensuite comparer leurs performances si bien entendu leurs désirs respectifs sont le même concernant la comparaison que vous faites entre eux. Si c'est le cas, vous pourrez évaluer le mérite de l'un par rapport à l'autre, puisqu’ayant mêmes capacités et mêmes forces de désir (et tout ça évidemment c'est impossible à mesurer), vous pourriez affirmer que celui qui réussit l'épreuve mieux que l'autre a plus de mérite parce que sans aucun doute il a plus travaillé pour obtenir ce que les deux désirent avec la même intensité et les mêmes potentiels.

Si vous ne contrôlez pas ces valeurs (potentiels et désirs) alors comment pouvez-dire que l'un mérite plus que l'autre ? N'est-ce pas simplement parce que l'un a un handicap par rapport à l'autre ou parce que son désir n'est pas le sien, mais le résultat d'un « chantage » parental ou social, ou de l'éducation parentale ou sociale appelée également formatage à la société ?

Nous avons tous entendu cette phrase « Il ne mérite pas de vivre ! »

Cette phrase signifie en fait : il ne mérite pas de « continuer » de vivre !

Mais pourquoi devrais-je « mériter », c'est-à-dire « avoir un mérite » de vivre puisque ce n'est pas moi qui ai demandé de vivre ? La vie n'est pas un travail, c'est une obligation. La vie n'est pas une demande de la part de celui qui existe, c'est une contrainte, c'est une mise devant le fait accompli : tu vis, un point c'est tout. Vis et tais-toi ! Accepte de vivre puisque tout ce que tu peux faire maintenant c'est souffrir l'esclavage social ou te suicider.

Expliquez-moi donc pourquoi vous m'avez fabriqué, et puisque c'est sans me demander mon avis, pourquoi je devrais mériter de continuer d'exister ? Ne devriez-vous pas en tant qu'humains prévoir l'existence de vos « fabricats » ? Ne devriez pas, pour le moins, m'inviter à exister ? Mais d'ailleurs, à quoi sert d'exister quand on n'existe pas, c'est-à-dire tant qu'on ne nous a pas fabriqué ?

Conclusion : Le système social de punition et de récompense est un système enfantin et infantile, pour gérer des enfants, qui est dû à une erreur de compréhension de ce que sont les êtres humains. Non seulement la peine de mort doit être évidemment abolie, mais la notion de peine tout court.

Personne ne devrait être puni par les personnes mêmes qui l'ont fabriqué imparfaits et éduqués imparfaitement, et contraints à accepter leur association imparfaite dans une société imparfaite... c'est une aberration. Si vous voulez changer le monde, commencez pas accepter ce fait... il est indéniable.

Fin – E. Berlherm