Non-Existence
— Contre-Arguments
(La
vérité est un bien public, donc un service public.)
Notre animalité subsiste de façon
considérable dans la territorialité et la hiérarchie. Débarrassez
l’humanité de ces deux sparadraps qui lui servent de vêtements et
tout marchera fantastiquement bien. La planète deviendra un paradis,
non pas parce qu’ils auront disparu, mais parce que pour vous en
débarrasser vous aurez changé la mentalité des humains, donc vous
aurez modifié son parcours.
Pour
juger de la qualité de son existence, il faut l’avoir vécue
entièrement, c’est-à-dire être mort donc inexistant, et c’est
impossible. Personne ne peut juger de son existence sauf de sa propre
existence passée, ce qui n’est pas l’existence dans son entier.
Il n’y a donc aucun existant (ou inexistant) qui peut affirmer que
l’existence vaut la peine. L’existence
que l’on juge est toujours passée, basée
sur la mémoire que l’on en a,
et quand il s’agit de l’existence entière on ne peut la juger
soi-même.
La
question de la procréation est une comparaison entre 2)
l’éthique
« d’imposer l’existence » et 1)
l’utilité
« de
fabriquer une existence » pour soi, pour la société, pour
l’espèce, ou pour d’autres raisons. Et,
s’il
y a une utilité, le
poids de l’utilité est-il supérieur à l’éthique ?
Peut-on outrepasser l’éthique pour des besoins qui n’existeraient
pas si l’humanité n’existait pas ou plus ? Sachant que de
toute façon ni l’individu, ni la société, ni l’espèce ne sont
pérennes.
Les
antinatalistes doivent
convaincre les croyants et le capitalisme national, sinon leur
philosophie n’aura jamais aucun effet ; convaincre,
c’est-à-dire soigner et éradiquer.
La
discussion sur la non-existence et l’asymétrie de David
Benatar
n’a pas vraiment
lieu
d’être puisque sa question est posée aux existants à qui il
demande d’être éthique ; ce
n’est pas un débat démocratique puisque les non-existants ne sont
pas présents pour défendre la qualité de l’inexistence, et
proposer une comparaison.
On
ne fait pas devenir un non-existant en existant par une opération
magique ; les ingrédients existent sur la planète et la
personne peut être fabriquée. C’est une fabrication.
Est-il
éthique d’utiliser le pouvoir de procréation possédé par les
existants pour « fabriquer » des personnes dans
le but de
les intégrer à
la vie familiale et sociale, pour les besoins des existants alors que
les existants ne veulent pas être eux-mêmes des serviteurs (des
esclaves) et ne veulent pas subir de chantage (faim, soif, froid,
logement…), et autres avanies de l’existence, pas plus qu’ils
ne veulent mourir dans un corps déliquescent, sauf d’admettre que
« la vie vaut la peine d’être terminée ». Et
dans ce cas vaut-elle la peine d’avoir été vécue ?
Lors
d’une discussion avec un opposant à nos idées, il est facile de
se laisser embarquer dans la rhétorique. Quasiment tout le monde se
laisse avoir. Il faut être un habile politicien pour être capable
de faire revenir la discussion sur le sujet important. Notre
antagoniste va s’y opposer de toutes ses forces, lui-même sait le
danger pour les idées dont il fait la promotion. Ce problème n’est
pas que verbal, il se produit également dans les écrits. Les
philosophes aiment bien discuter de tout. Ils discutent tellement
qu’on s’y perd. Qui va s’amuser à organiser l’importance des
sujets qu’ils abordent, quand
eux-mêmes ne les ont même pas classés ?
Et
dans la société, les sujets qui vous atteignent un jour ou l’autre
ont-ils été classés par ordre d’importance ? Votre
cerveau qui fonctionne tout seul et qui ressemble à une sphère,
a-t-il classé les sujets par ordre d’importance ?
Un
des
problèmes
(très secondaire, ne l’oubliez pas !)
qui a été posé aux antiprocréationistes
ou aux antinatalistes est
celui de la non-existence (antinatalisme
est un terme
moins précis qu’antiprocréationisme,
mais
il vaudrait encore mieux parler d’antisouffrance puisque c’est en
passant par cette idée que le rationaliste abouti à celle
qu’il
est
inutile de fabriquer
de
la
souffrance, donc qu’il
ne faut pas
procréer).
Un
Humain
Humaniste
Honnête
ne devrait-il pas se dire : « Procréer, c’est fabriquer
la souffrance et la mort, et c’est inutile, donc pourquoi le
faire ? »
On
nous dit : « puisqu’on ne peut poser la question au
non-existant sur l’intérêt de la vie, alors ce n’est pas du
ressort de cette personne imaginaire. » En quelque sorte :
attendons de l’avoir fabriqué, qu’il soit bien vivant, et
capable de discuter pour lui demander son avis. Évidemment le
problème posé ainsi est insoluble. Une fois que la personne est
vivante, il est inutile et absurde de lui poser la question de son
accord à exister ; elle a été mise devant le fait accompli,
et quand elle sera capable d’en discuter elle aura été bien
formatée par ses parents et la société, ainsi
que par
ses propres mécanismes ou « instincts » animaux.
D’ailleurs, c’est le cas, nous sommes un de ceux-là.
L’antiprocréation
est une lutte contre sa propre animalité.
Et
notre opinion antisouffrance-antiprocréation,
faible
pourcentage de l’humanité,
je pense qu’ils s’en moquent totalement ; alors
qu’elle est prioritaire ! La
démocratie donne la priorité à l’opinion majoritaire qui est, en
ce qui concerne la procréation, « je procrée comme je veux,
car j’en ai le potentiel naturellement, c’est-à-dire le
pouvoir. », même si cette opinion majoritaire va à l’encontre
des droits humains qui interdisent l’esclavage, le chantage, la
torture, la condamnation à mort, etc.
Je
veux démontrer que l’humain seul
ou en société
est toujours en préparation de sa propre non-existence ainsi que de
celles des autres, c’est-à-dire
qu’il pense à l’être qu’il deviendra et ses rapports avec le
devenir des autres.
Or
s’occuper de la non-existence des personnes qui peuplent la planète
au présent et celle d’une personne que l’on désire fabriquer
requiert une certaine dose d’empathie et d’éthique. Se mettre à
la place de l’enfant que l’on désire fabriquer ne devrait pas
représenter un gros effort d’imagination. On
parle de la fabrication d’une vie, action que certains d’entre
vous qualifient de divine.
Il
ne s’agit donc rien de moins que d’éthique et d’empathie,
quand on parle de procréation, simplement d’éthique et d’empathie
humaine. Vade
retro « animal » qui est en nous !
« On
ne fait pas de tort à quelqu’un de non-existant, donc on peut le
fabriquer
comme on veut (débile,
souffreteux, mortel),
car
notre liberté et notre corps nous appartiennent, ovules et
spermatozoïdes y compris, ainsi que leur libre utilisation. »
Ceci
est le
propos
d’une personne qui soit ne réfléchit pas, soit n’a aucune
éthique ni
aucune empathie. Ne
pas s’intéresser à cet être invisible, car inexistant, c’est
comme ne pas s’intéresser à ces personnes au-delà de nos yeux.
Je ne ressens pas leurs souffrances, je ne peux que l’imaginer. Si
vous êtes capable d’imagination, mettez-vous donc à la place de
l’être que vous désirez fabriquer sans son accord préalable, et
qui va peut-être par votre méga-faute souffrir toute sa vie, même
si vous « espérez » le contraire.
Les
adversaires de l’antiprocréation ou de l’antinatalisme disent
que puisqu’on ne peut demander son avis à une personne qui n’a
pas encore été fabriquée (un non-existant), on
ne peut savoir, si malgré les difficultés de la vie, la
souffrance, le malêtre, la mort, l’empathie pour la souffrance des
autres,
la personne une fois existante appréciera ou pas d’avoir été
fabriquée (j’utilise le terme « fabriqué », car il
représente la réalité matérielle, contrairement à « naissance »
ou « mis au monde », etc., qui font abstraction des
intentions et du travail des procréateurs). Évidemment
si vous n’avez pas d’empathie pour les milliards d’existants
qui souffrent pourquoi auriez-vous de l’empathie pour cet être que
vous désirez fabriquer pour votre service personnel ? Qu’est-ce
qu’un esclave de plus quand il en existe des milliards ?
Une
remarque sur l’empathie : elle ne s’applique pas qu’à la
personne qui est devant soi, mais également aux autres quelque
soit leur nombre,
au-delà de notre présence, géographiquement n’importe où sur la
planète, et temporellement c’est-à-dire hier comme demain, voire
dans mille ans. Quand
vous aviez vingt ans, étiez-vous empathique avec le vieillard que
vous alliez devenir, cet
être pourtant non-existant ?
Cela
vaut
mieux pour préparer
sa retraite.
(Question
annexe : quand vous décédez avant de prendre votre retraite
que deviennent les impôts et taxes payés pour cette retraite que
vous n’atteindrez jamais ?)
Nous
étions tous non-existants avant qu’on nous fabrique. Nous
sommes tous non-existants hier et demain. Nous sommes tous
non-existants infiniment plus longtemps qu’existants, cette
existence valant zéro relativement comparé à la permanence de
l’univers en
reconfiguration constante.
Le
non-existant n’étant pas un sujet, alors votre futur « vous »
n’est pas un sujet même si vous vous souciez de votre futur !
Pourtant vous
vous
souciez de votre futur immédiat
ou plus
ou moins lointain, et c’est même une priorité, individuelle,
sociale, nationale, humaine.
Nous
existons au présent (présent quantique), mais nous n’existons pas
demain ; demain nous sommes tous non-existants. De même, dans
la seconde qui suit nous sommes tous non-existants. Dois-je
continuer à ne pas me préoccuper de la non-existence des êtres,
humains en particulier, de mon propre avenir ? Dois-je
ne pas me soucier de la vôtre ? Ne
dites-vous pas qu’on ne doit pas se préoccuper de la non-pensée
d’un non-existant ? Mais vous préparez aujourd’hui
l’existence de l’être que vous serez demain. Quelle différence
avec cet autre qui sera votre enfant et dont vous allez farcir le
cerveau de vos idées ? Ne parle-t-on pas de « reproduction »,
alors que chacun voit bien que l’enfant n’est pas une
« reproduction » de la mère et du père à la fois ?
Qu’en fait, il s’agit juste de poursuivre l’habitude de la vie
animale qui est d’engendrer sans aucune compréhension ni
discernement, ni empathie, ni éthique !
(La
compréhension et le discernement sont les deux fonctionnalités
supposées de l’être humain qui le rendent responsable devant la
justice humaine, selon la norme actuelle. Responsabilité,
compréhension et discernement fabriqués par la société et jugés
par la société selon les lois sociales. Ils ne sont pas fous ces
Romains !)
Nous
sommes tous inexistants dans le futur proche ou lointain, pourtant
nous y pensons constamment. La
mémoire ne sert qu’à ça, utiliser les expériences passées pour
préparer le futur, à commencer par le geste suivant. La simple
marche (prévoir où l’on va poser son pied), ou l’expression de
ses pensées (dire la phrase linéairement) fonctionnent ainsi.
La
« prévision » est un boulot des gouvernements,
c’est-à-dire la prévision d’évènements concernant les humains
pas encore existants ; nous-mêmes si nous existons jusque là,
ainsi que les nouvelles personnes. Ils vont même, pour certains,
s’occuper du devenir de leur Nation dans 1000 ans et
plus.
Premier
point déjà, l’ovule et le spermatozoïde existent, préexistent,
sont les précurseurs de la personne. Donc on pourrait
essayer de se baser là-dessus pour parler de demi-existence, mais
pas de non-existence, puisqu’il
y a une continuité. Les
précurseurs
de la personne existent,
alimentation
y comprise.
On
ne peut toujours pas interroger la
personne disloquée.
Mais peut-on interroger le bébé qui vient de naitre, lui est un
être existant ? Et à quel moment peut-on commencer à
l’interroger ? Quand il sait parler, quand il sait penser,
quand il sait analyser, quand il utilise son cerveau rationnellement…
quand il a suffisamment d’expériences sur la vie ; mais qui
juge ? Qu’y
a-t-il dans le cerveau des enfants et des adultes qui ne proviendrait
pas de la société et du lieu dans lequel la société a installé
ces personnes (sans les consulter) ; je parle du lieu de
naissance, de la région, de la nation, de la planète, de l’univers.
Le
bébé existe, c’est un existant qui a une pensée philosophique
inexistante.
Dans le ventre maternel, il n’a aucune existence légale en tant
que personne (même si sa génitrice
n’a plus le droit de décider de son propre corps après une
certaine avancée dans la fabrication du futur être social). La
mère n’a pas le droit d’avorter, mais elle peut fumer et se
souler à mort et enfanter un avorton sans aucune loi qui la
contraigne à construire son rejeton avec des aliments sains afin
de mettre toutes les chances de l’enfant du bon côté.
(Elle
peut aussi se droguer même si c’est souvent interdit légalement,
mais pas légitimement puisque la drogue fait partie de la nature
donc mise à notre disposition. La preuve est que notre cerveau y est
sensible. Qui nous a fabriqué ainsi ?)
Et
vous tous les mâles humains de cette
planète avez-vous pensé à cette personne existante féminine qui
va prendre le risque de fabriquer un enfant ? Car les risques
sont loin d’être nul, entre décès et pathologies
nombreuses et variées, graves
ou moins.
Ne devriez-vous pas demander à cette moitié chérie
de
votre couple d’éviter de prendre des risques ? Si
vous n’avez aucune éthique avec vos femmes parfaitement
existantes, comment pourriez-vous en avoir avec vos enfants désirés
pas
encore
existants ?
Plus
tard vous fabriquez
un enfant, moins longtemps vous l’accompagnerez dans sa vie, si
l’on suppose une égale longévité. Si vous le faites à 30 ans,
vous ne le verrez pas pendant ses 30 dernières années
d’existence ; n’est-ce pas beaucoup ? Ces
30 dernières années de la vie de votre enfant ne
démontrent-elles pas que ce n’est pas pour l’enfant que vous
l’avez fabriqué, mais uniquement pour vous, en être égoïste ?
Pourquoi n’avez-vous pas fait cet enfant (forcément un autre) à
20 ans voire à 15 ans ? Vous l’auriez ainsi côtoyé
plus longtemps.
Mettez-vous
à la place de la reine des abeilles. C’est la reine « Présidence
de la République » (France). Elle enfante 800 000 petits
chaque année, et systématiquement elle en condamne 100 000
(certainement bien plus) aux handicaps immédiats
et à leurs morts futures,
donc à la souffrance physique et morale. Et pendant le même temps,
près de 800 000 de ses enfants meurent pour équilibrer les
comptes sociaux
(en général ils ne meurent pas joyeusement, mais dans la souffrance
et la peur). Tout compte fait, pour 700 000 nouveaux
entrants normaux
(à peu près) dans
la société, il y a 900 000 Français qui souffrent, et
c’est toujours aussi systématique, rien d’aléatoire là-dedans
(ai-je bien fait mes calculs ?). Je
n’envisage même pas tous les autres êtres souffrants par ADN
défectueux ou qui ont raté une marche en avançant dans leur vie ;
combien à vue de nez ? Une bonne grosse moitié (avec
10 millions en dessous du seuil de pauvreté je dois être sous
le compte).
Conclusion : l’éthique oubliée
Le débat sur la non-existence est
souvent évacué d’un revers de main par les défenseurs de la
procréation. Ils affirment qu’il est absurde de se soucier de ceux
qui ne sont pas là, que la non-existence ne pose aucun problème
éthique, puisque l’être non fabriqué n’est pas un sujet. Mais
cette position repose sur une grave confusion : l’absence
de parole ne signifie pas l’absence de droit à considération.
Chaque être humain a été
non-existant, et le sera à nouveau. L’essentiel de notre durée, à
l’échelle de l’univers, est non-existence.
L’existence est un éclair bref dans l’infini du temps, une bulle
fragile entourée de néant. Faut-il, pour autant, cesser de penser à
notre futur ? Notre propre avenir immédiat n’est rien d’autre
que notre non-existence
temporaire à venir,
et pourtant, toute notre mémoire, notre logique, nos institutions
sont orientées vers lui. L’anticipation
du non-encore-existant guide nos décisions,
y compris en politique, en urbanisme, en éducation, en écologie.
Alors pourquoi cette hypocrisie
morale, dès qu’il
s’agit de la fabrication d’un être humain ?
Penser la non-existence, ce n’est
pas donner la parole à un fantôme. C’est interroger
la légitimité de rendre pensable une souffrance future.
C’est refuser de prendre le silence pour un consentement. L’enfant
qu’on désire fabriquer ne peut pas dire non. Et c’est
précisément cette absence de refus qui rend la fabrication si
injustifiable. Ce
n’est pas parce qu’il n’y a pas de protestation qu’il n’y a
pas d’injustice.
L’éthique ne commence pas au
moment de l’apparition du langage, ni même de la conscience :
elle commence dans la capacité
à se mettre à la place de l’autre,
y compris de celui qui n’existe pas encore. Les êtres rationnels
devraient pouvoir imaginer la condition d’un être jeté dans le
monde sans avoir été consulté, condamné
à survivre, souffrir, mourir,
dans un corps qu’il n’a pas choisi, dans une société qui l’a
formaté, avec des gènes distribués au hasard.
Or les raisons réelles de la
procréation sont rarement tournées vers l’intérêt de l’enfant.
Elles relèvent de l’égoïsme, du désir personnel, de la pression
sociale, ou de la dynamique animale de reproduction. C’est pourquoi
il faut rappeler cette vérité : fabriquer
une personne, c’est prendre la responsabilité de tout ce qu’elle
subira, sans son
accord, et souvent en toute inconscience.
Si l’on juge absurde de s’inquiéter de l’avis d’un
non-existant, alors pourquoi s’inquiéter de l’avis du futur soi,
du futur citoyen, du futur climat, du futur vieillissement de sa
propre descendance ? Pourquoi s’inquiéter de demain ? Et
pourquoi éduquer un enfant à se soucier de son propre avenir, si
l’avenir d’autrui nous est indifférent ?
La non-existence mérite une place
dans notre réflexion éthique. Non pour sacraliser le néant, mais
pour délégitimer
la fabrication irréfléchie.
Pour obliger chaque société à justifier
moralement l’acte de faire apparaitre un être souffrant là où il
n’y avait rien.
Pour rappeler que le véritable respect de la vie, c’est peut-être
de s’abstenir de
la faire surgir sans nécessité.
Ce passage de la
non-existence à l’existence, opéré par la fabrication
procréative puis par l’éducation sociale, ne peut en aucun cas
transférer une quelconque responsabilité à l’être qui en est le
produit. L’enfant n’a ni voulu naitre ni choisi son corps, ses
parents, sa culture, ni les représentations du monde qu’on va lui
inculquer. Il subit une double imposition : celle de l’existence
elle-même, et celle de la formation mentale et sociale par ceux qui
l’entourent. Même ses comportements futurs, ses gouts, ses
croyances, ses valeurs, seront largement façonnés par les
interactions avec un environnement qu’il n’a pas plus choisi que
sa propre vie. Dans un tel cadre, comment lui attribuer une
quelconque culpabilité pour ce qu’il devient ? Il n’a été
que modulé, modelé, réglé par un système préexistant qui l’a
absorbé dès les premiers instants. C’est pourquoi l’être
fabriqué est et demeure innocent d’exister, quelles que soient ses
actions : tout ce qu’il est procède de forces extérieures à
lui-même, de mécanismes biologiques, éducatifs, sociaux,
linguistiques et affectifs qu’il n’a pu ni choisir ni refuser.
Toute société qui punit ou juge un individu sans reconnaitre
l’imposition initiale de l’existence, et la coaction totale
exercée sur sa construction, manque son propre rendez-vous avec la
justice.
Fin
– E. Berlherm
[L’obligation
d’exister implique l’innocence d’exister en permanence.]