dimanche 7 décembre 2025

Le parasite…

 

Le parasite…

(La vérité est un bien public, donc un service public.)

Le capitalisme n’est pas un maitre. Ce n’est pas non plus un architecte ni un stratège. C’est un parasite. Un parasite d’un genre particulier : il se nourrit de tout ce que la société met en commun, mais nie l’existence même de ce commun. Il vit grâce à l’organisme social, tout en prétendant être l’unique cause de sa vitalité. Il pompe, aspire, détourne, privatise — et fait mine d’avoir tout produit lui-même.

Le parasite n’a pas besoin d’intention. Il n’a pas besoin de se penser parasite. Il suit sa logique interne, mécanique, héritée des contraintes anciennes de l’espèce : accumuler avant les autres, se placer plus haut dans la hiérarchie, posséder ce qui rassure, et transformer cette sécurité en domination. Le capitalisme émerge comme cela, sans projet ni complot, comme une conséquence directe de la biologie humaine. Les structures sociales n’en sont que l’habillage.

Ce parasite prospère sur un sol qu’il n’a jamais produit. Les routes, les ponts, les réseaux, l’électricité, les satellites, l’éducation, la santé publique, la justice, la police, l’ordre social, l’air, l’eau, le sol, les générations futures, les ressources planétaires, les connaissances accumulées — voilà sa nourriture. Il se nourrit de ce qui, par nature, appartient à tous et devrait rester accessible à tous. Il s’en nourrit comme si c’était son dû.

Mais le parasite déteste que l’on désigne son hôte. Il peut vivre de la mise en commun ; il ne peut survivre à la prise de conscience de cette mise en commun. Car si l’humain réalise que tout ce qui soutient le capitalisme est commun, alors il demandera pourquoi les fruits de ce commun sont privatisés.

Le parasite vit donc dans une guerre permanente contre la lucidité. Il ne peut pas supprimer les communs, car ils sont sa condition d’existence. Il tente donc d’en effacer l’évidence : — en privatisant ce qui appartenait à tous, — en prétendant que l’individu “crée” tout lui-même, — en s’arrogeant le mérite des infrastructures payées par la collectivité, — en glorifiant la réussite individuelle pour masquer le travail collectif, — en criminalisant l’idée même de partage rationnel.

C’est pourquoi le mot « communisme » lui est insupportable. Non pas pour ses réalisations historiques, mais pour ce qu’il révèle : que la société humaine fonctionne déjà en commun. Que l’individu n’est rien sans le collectif. Que l’enrichissement personnel n’est possible qu’en pompant la richesse commune. Pour le parasite, le danger n’est pas la mise en commun réelle — elle lui est indispensable — mais la compréhension de cette mise en commun.

On retrouve ici le même mécanisme que chez les religions face à l’héliocentrisme. Elles ne pouvaient supporter l’idée que la Terre ne soit pas le centre, non pas parce que cela changeait la vie quotidienne, mais parce que cela déplaçait le prestige. Le capitalisme ne peut supporter que le commun soit la base. Cela déplace son prestige. Cela renverse la pyramide.

Comme tous les parasites, il n’a pas pour objectif d’anéantir son hôte. Ce n’est pas son intention — il n’en a pas. Mais il finit par affaiblir le corps social par excès de ponctions, par négligence, par obsession de court terme. Il détourne les ressources vitales vers des zones improductives, enrichissant quelques individus au détriment du tout. Et comme les maladies auto-immunes, il accélère lorsque l’organisme s’affaiblit, croyant instinctivement qu’il doit prendre plus encore pour survivre.

Ce parasite a cependant une faiblesse structurante : il ne peut pas tolérer la lumière. Pas la lumière du savoir scientifique ni celle du progrès technique — il en vit. La lumière qu’il craint est plus simple : la lucidité collective, la compréhension rationnelle de la mise en commun, et la remise en cause de la hiérarchie qui en découle.

Il suffit que les humains voient l’arbre — le commun — pour comprendre ce que sont vraiment ses fruits. Il suffit qu’ils voient l’organisme pour reconnaitre le parasite.

Le capitalisme n’est pas éternel. Il ne peut survivre que tant que le corps social ignore où se situe la circulation réelle de la vie. Il disparaitra non par violence, mais par compréhension : par la prise de conscience que la richesse n’est jamais individuelle, et que la société n’est pas une concurrence entre les cellules d’un même organisme, mais la coopération obligatoire d’êtres fabriqués à l’aveugle, jetés ensemble dans un monde qu’ils n’ont pas choisi.

Le parasite ne disparait pas par combat. Il disparait lorsque l’hôte comprend qu’il en est un.

À qui appartient l’argent sans existence et sans valeur s’il n’était commun ? Réponse : au peuple qui le produit — car il est un équivalent, une mesure de son travail. Où demeure l’essentiel de cet argent ? Réponse : dans les poches de quelques-uns, les capitalistes-parasites. Dans quel but ? Orienter nos existences selon leurs caprices…

Fin – E. Berlherm

(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups-parasites comme pour les moutons.)


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