dimanche 19 octobre 2025

 

Le rationalisme en quelques mots

(La vérité est un bien public, donc un service public.)

Le cerveau humain peut à la fois raisonner et croire. Il est construit ainsi. Que vaut-il mieux, croire ou raisonner, alors qu’on sait parfaitement que la majorité des humains se trompent dans leur croyance ?

Cette question n’oppose pas deux attitudes morales ; elle révèle simplement deux fonctions du même organe : celle qui cherche à comprendre, et celle qui cherche à se rassurer. La croyance stabilise, la raison explore. Le rationalisme commence lorsque l’esprit comprend ce mécanisme et choisit, autant qu’il le peut, de ne pas se laisser conduire par l’automatisme.

L’origine de la croyance

La croyance ne vient pas d’une erreur du cerveau, mais de l’éducation. Dès que les animaux ont dû instruire leurs petits, ils ont transmis des comportements indispensables à la survie. L’enfant, pour vivre, devait suivre l’adulte. Il n’avait ni le temps ni les moyens de vérifier ce qu’il imitait. Il a donc appris à obéir avant de comprendre, et cette obéissance a fondé la fonction de croyance.

Ce mécanisme, d’abord pratique, est devenu mental. Chez l’humain, l’éducation s’est transformée en langage : l’enfant hérite d’un monde déjà nommé, déjà organisé, saturé de mots et d’idées toutes faites. Il lui faut des années pour distinguer ce qu’il a compris de ce qu’il répète. La croyance est donc la trace de cette dépendance initiale : un mode d’apprentissage devenu réflexe de pensée. Il est évident que nous ne pouvons pas tout remettre en cause et le faire constamment, cela conduirait au TOC.

Le rationalisme commence quand l’adulte, conscient de ce conditionnement, revient examiner ce qu’il a tenu pour vrai. C’est la poésie du rationalisme : remettre en cause les recettes de grand-mère, non par mépris, mais pour voir si elles cuisent encore juste.

Ce qu’est le rationalisme

Le rationalisme n’est pas une foi dans la raison ; c’est une méthode de vérification. Être rationaliste, c’est savoir que son propre cerveau n’est pas infaillible, qu’il invente des liens et des causes pour donner sens à ce qu’il ignore. Le rationaliste ne se croit pas au-dessus des autres : il se surveille lui-même. La raison n’impose rien ; elle observe, compare, rectifie. Elle ne cherche pas à détruire les croyances, mais à comprendre leurs fondements et leurs effets afin de proposer un meilleur système.

Le rationalisme est une hygiène de la pensée. Il demande de maintenir le champ mental propre : pas stérile, mais débarrassé des illusions collées par l’habitude, la peur ou la tradition.

Le rationalisme dans la forme et dans le fond

On peut être rationaliste en habit de clown, sur un petit vélo, ou en poète. Le rationalisme, c’est le contenu, pas la forme. Ce n’est pas le messager qui compte, c’est le message. Toute expression — écrite, peinte, dansée, chantée, chuchotée — peut être rationaliste si elle porte une idée juste, argumentée, nécessaire et partageable.

La raison n’est pas l’ennemie de la sensibilité : elle la traverse pour en extraire la clarté. L’art, la musique, la parole sont des instruments de vérité quand ils cherchent à éclairer plutôt qu’à séduire.

L’éthique rationaliste

Le rationalisme ne s’arrête pas à la logique ; il conduit à une éthique. Raisonner, c’est mesurer les conséquences de ses actes. Le rationaliste reconnait l’innocence d’exister : personne n’a choisi de naitre, donc nul ne mérite ni blâme ni dette d’existence. L’être humain n’a pas à se faire désirer puisqu’il a été désiré.

L’être humain ne doit pas se faire désirer puisqu’il a été désiré. La seule responsabilité est celle de ne pas nuire par ignorance, surtout lorsqu’on participe à la fabrication à l’aveugle d’autres existences. Cette lucidité ne condamne pas la vie : elle la rend consciente. Elle cherche à réduire la part d’absurde et de souffrance que l’irréflexion perpétue.

Conclusion : la liberté de penser

Avant de croire à nos propres idées ou à celles des autres, il faut s’assurer que la pensée est libre et que nous pouvons l’exprimer librement. Le rationalisme est ce travail permanent de dégagement intérieur : il nettoie la pensée de ses automatismes et la rend capable de se voir fonctionner. Il ne promet pas la vérité, mais la liberté de la chercher.

Le rationalisme est une discipline sans dogme, une vigilance tranquille, une manière de tenir son esprit debout dans le tumulte des certitudes humaines.

Fin – E. Berlherm

(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.)


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