Cœur pour cœur : l’unique loi de la réciprocité
(La vérité est un bien public, donc un service public.)
Tout être humain naît sans avoir choisi d’exister. C’est la contrainte d’exister : nul n’a décidé de sa venue au monde, nul n’a choisi son corps ‒ donc son intellect ‒ son milieu ou son histoire. De ce fait, chacun est aresponsable de son existence : il ne peut être tenu coupable d’être ce qu’il est.
De cette donnée radicale découle une conséquence simple : puisqu’aucun être humain n’est coupable d’exister, la seule attitude rationnelle est de ne pas nuire. C’est l’éthique implicite que l’on retrouve déjà chez Hippocrate : « Premièrement, ne pas nuire à autrui. » Dans le Code de la route, c’est encore ce principe premier qui prévaut : ne pas mettre en danger, ne pas blesser, ne pas tuer. Les règles écrites ne sont que des précisions de cette loi fondamentale.
L’éthique trouve son noyau dans la réciprocité empathique : reconnaître en autrui un autre être contraint d’exister, innocent comme soi. On pourrait la résumer ainsi : « Cœur pour cœur. » C’est la véritable loi de la réciprocité, qui invite à traiter autrui comme on voudrait être traité, non par devoir transcendant, mais par simple logique de coexistence.
La loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent ») est une perversion de ce principe. Elle détourne l’empathie originelle en vengeance, en faisant comme si autrui était responsable de ce qu’il est. Sa puissance historique vient de l’émotion négative, violente et cruelle, qui marque plus que la normalité tranquille de l’entraide. Mais elle repose sur une illusion : on punit des êtres aresponsables de leur condition.
Origine biologique et sociale de l’éthique : Les êtres monocellulaires et la plupart des animaux n’ont pas d’éthique : ils manifestent seulement des comportements de survie et de coopération sans conscience d’espèce. Les humains, eux, ont nommé et conceptualisé cette tendance naturelle à l’empathie et à l’association. Ce que nous appelons « éthique » n’est que l’habillage rationnel d’une disposition biologique à coopérer, sans laquelle aucune société ne pourrait durer.
De la pratique à la revendication : Nommer l’éthique lui a donné une autonomie : elle est devenue l’objet des philosophies et le noyau des religions. Mais cette universalité proclamée est fragile. Souvent, les puissants respectent la loi écrite sans se soucier de l’éthique, et transforment même la réciprocité en perversion : punir au lieu d’associer, exploiter au lieu de partager.
De là découle une critique rationnelle de la concurrence : elle érige en vertu l’affrontement d’individus qui partagent pourtant la même contrainte d’exister. Elle oppose les uns aux autres au lieu de les associer, alors que rien n’est plus logique que de coopérer.
Ainsi, replacée dans son contexte fondamental, l’éthique n’est ni morale religieuse ni simple coutume : elle est la conséquence directe de l’innocence d’exister. La véritable loi humaine n’est pas œil pour œil mais cœur pour cœur : la réciprocité bienveillante entre êtres aresponsables, unis par la même condition d’avoir été mis devant le fait accompli.
Fin – E. Berlherm
(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.)
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