La Procréation est-elle un Droit Naturel ?
(La vérité est un bien public, donc un service public.)
Le pouvoir existe naturellement : chaque animal en possède, plus ou moins. Les humains, eux, ont développé leur pouvoir sur la nature et sur eux-mêmes de façon excessive, au point de mettre en danger les individus comme l’humanité entière. Les chefs, en s’appuyant sur le système féodal, ont consolidé leur domination ; et ce n’est que par des révoltes et des révolutions que les citoyens ont pu limiter ce pouvoir et imposer un cadre : leurs droits, les droits humains. Le droit est ainsi une invention humaine destinée à contrecarrer et restreindre le pouvoir des chefs.
(Pourtant, au XXIᵉ siècle, nous restons, partout sur la planète, soumis à des systèmes de type féodal : paysans-ouvriers, police-armée, dirigeants. Le risque demeure constant de subir des chefs manœuvriers, et de nombreux peuples en souffrent sans parvenir à s’en libérer. Les chefs ne devraient détenir que le pouvoir que le peuple leur accorde. Mais comment les empêcher d’en prendre davantage, quand abuser du système leur permet de s’en affranchir, et qu’il est toujours plus facile d’agir seul que pour une masse de se coordonner ?)
La procréation est-elle un droit naturel ? Non, il n’y a pas de droit naturel, il n’y a que du pouvoir. Mais il n’en reste pas moins que nous avons inventé les droits fondamentaux, plus ou moins acceptés sur toute la planète avec le texte des Droits de l’homme.
Si les droits fondamentaux s’appliquent au droit procréatif de la femme, alors ils doivent aussi s’appliquer à l’être qu’elle désire procréer et que son utérus va fabriquer. Si tout se déroule correctement, cet être deviendra une personne par extraction du corps de sa génitrice. Mais il faut rappeler une évidence : l’être fabriqué n’a exprimé aucun désir d’exister. Le droit doit tenir compte de ce fait.
La procréation est à la fois naturelle et artificielle : naturelle comme la soie que l’araignée produit avec ses glandes séricigènes, artificielle comme le piège qu’elle en fait. Mais contrairement à l’araignée, l’être humain est capable de réflexion — et la femme, en particulier, porte cette responsabilité. Dès lors, ne pas interroger le sens de procréer, quand cela engage la vie, la souffrance et la mort d’un autre être, c’est refuser son propre devoir d’humanité.
Si la société établit des lois sans reconnaitre qu’elle a fabriqué des individus pour son propre fonctionnement — en laissant à ceux qui détiennent le pouvoir naturel de fabriquer des enfants la liberté de le faire sans limites et sans l’accord des êtres ainsi fabriqués — peut-elle honnêtement nier que ces individus ne lui doivent absolument rien ? Bien au contraire, ce sont la société et les fabricants qui leur doivent tout. Reconnaitre ce fait bouleverserait la perspective : cela obligerait la société à accueillir chaque être humain comme un invité. Alors, la société tout entière — et, plus largement, l’humanité — pourrait enfin se percevoir comme une communauté d’invités de passage sur cette planète, et fonctionner sans heurts et sans agressivité.
L’égalité apparente de chaque être humain, fabriqué et placé devant le fait accompli d’exister, ne doit pas masquer que la société, vieille de milliers d’années, détient le pouvoir. Tout nouvel entrant y arrive démuni. C’est une fausse égalité, car l’humanité ne se trouve pas ensemble sur la même ligne de départ de l’existence. La hiérarchie est déjà en place avant la naissance de chacun : les cartes sont distribuées, les règles préétablies, et les nouveaux venus n’ont aucun pouvoir d’accepter ou de refuser cette association.
Si vous établissez des lois, c’est que vous vous considérez comme des êtres humains, et vous ne cessez de proclamer votre supériorité sur l’animal. Ces lois ont pour but d’empêcher les États d’exercer un pouvoir excessif sur les individus. Alors, en tant qu’êtres humains, reconnaissez cette vérité absolue : nous avons tous été fabriqués pour servir la société, et non pour notre propre service. Cela implique que nos responsabilités envers la société sont sans valeur. Nous pouvons avoir des droits parce que vous invoquez l’humanité, mais nous n’avons aucun devoir.
L’humanité ne peut ignorer la contrainte initiale qu’elle impose à chaque nouvel être, avec son lot inévitable de risques, de souffrances et de mort — et cela uniquement pour son service, non pour celui de l’être fabriqué. Elle ne peut proclamer que la servitude, le chantage ou la mise en danger sont interdits, et l’oublier lorsqu’il s’agit de fabriquer une personne condamnée à les subir, simplement au nom des besoins de pérennité de la société, de son PIB, de son territoire, de sa puissance ou de sa culture.
Tout droit qui ignore la contrainte d’exister ne pourra jamais être pris au sérieux. Il engendrera inévitablement des revendications, et même, paradoxalement, un droit à la vengeance au nom de nos propres droits, puisque l’esclavage, le chantage ou la mise en danger en découlent.
Madame, vous ne voulez pas être violée, alors pourquoi violez-vous votre enfant ? Ne l’avez-vous pas contraint à franchir votre vagin ?
Non ! La procréation n’est pas un droit naturel, mais un pouvoir naturel que les humains sont capables de contrôler. Exercez ce pouvoir avec responsabilité, madame. Soyez humaine : ne fabriquez ni souffrance ni mort. Avez-vous songé que vous allez imposer à votre enfant votre propre handicap de vieillesse pathologique et votre mort, sans jamais assister aux siennes ?
Fin – E. Berlherm
[L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.]
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