mardi 20 novembre 2018

La désobéissance civile Par Henry David Thoreau.

La désobéissance civile Par Henry David Thoreau.
Traduction personnelle du texte « Civil disobedience »

La désobéissance civile Par Henry David Thoreau.
[1849, titre original : Resistance to Civil Government]

J’accepte de tout cœur le slogan « Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » ; et je voudrais le voir établi plus rapidement et systématiquement. En fin de compte, cela revient finalement à ceci, ce que je crois aussi, « Le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout » ; et quand les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront. Le gouvernement est au mieux utile ; mais la plupart des gouvernements, généralement, et tous, parfois, sont inutiles. Les objections qui ont été formulées contre une armée permanente, et qui sont nombreuses et pesantes, et méritent de l’emporter, peuvent aussi enfin être formulées contre un gouvernement permanent. L’armée permanente n’est qu’un bras du gouvernement permanent. Le gouvernement lui-même, qui n’est que le mode choisi par le peuple pour exécuter sa volonté, risque également d’être abusé et dévoyé avant que le peuple ne puisse agir à travers lui. Voyez la guerre actuelle au Mexique, le travail relativement de quelques personnes utilisant le gouvernement permanent comme leur outil ; car, d’emblée, le peuple n’aurait pas consenti à cette mesure. 

Ce gouvernement américain, qu’est-il sinon une tradition, bien que récente, essayant de se transmettre sans aucune altération à la postérité, mais perdant à chaque instant une partie de son intégrité ? Il n’a pas la vitalité et la force d’un seul homme ; car un seul homme peut le plier à sa volonté. C’est une sorte de fusil en bois pour les gens eux-mêmes. Mais ce n’est pas moins nécessaire pour autant, car le peuple doit avoir une machinerie compliquée et entendre son vacarme, pour satisfaire son idée de gouvernement. Les gouvernements montrent ainsi avec quel succès ils peuvent s’imposer aux hommes, voire s’imposer à eux-mêmes, pour leur seul avantage. C’est excellent, on peut tout se permettre. Pourtant, ce gouvernement n’a jamais, de lui-même, manifesté aucune  entreprise, sauf par l’empressement avec lequel il s’est écarté de son chemin. Cela ne conserve pas la liberté au pays. Cela ne colonise pas l’Ouest. Cela n’éduque pas. Le caractère inhérent au peuple américain a réalisé tout ce qui a été accompli ; et il en aurait fait un peu plus, si le gouvernement ne l’avait pas parfois contrarié. Car le gouvernement est un moyen par lequel les hommes aimeraient réussir à vivre libres ; et, comme on l’a dit, le moment le plus opportun est quand les gouvernés sont le plus laissés à eux-mêmes. Les échanges et le commerce, s’ils n’étaient pas faits de caoutchouc indien, ne réussiraient jamais à surmonter les obstacles que les législateurs mettent continuellement sur leur route ; et si l’on devait juger ces hommes totalement par les effets de leurs actions et non en partie par leurs intentions, ils mériteraient d’être classés et punis comme ces personnes malfaisantes qui font obstruction aux chemins de fer. 

Mais, pour parler concrètement et comme un citoyen, contrairement à ceux qui se disent anarchistes, je demande, non pas d’emblée aucun gouvernement, mais au moins un meilleur gouvernement. Que chacun fasse savoir quel type de gouvernement recueillerait son respect, et ce sera un pas vers son obtention.

Après tout, la raison pratique pour laquelle, lorsque le pouvoir est une fois entre les mains du peuple, une majorité est autorisée, et pendant longtemps, à gouverner, ce n’est pas parce qu’ils sont probablement dans le droit, ni parce que cela semble le plus juste pour la minorité, mais parce qu’ils sont physiquement les plus forts. Mais un gouvernement dont la majorité gouverne dans tous les cas ne peut être fondé sur la justice, même dans la mesure où les hommes le comprennent. Ne peut-il pas y avoir un gouvernement dans lequel les majorités ne décident pas virtuellement du bien et du mal, mais la conscience ? Dans laquelle les majorités décident uniquement de ces questions auxquelles la règle de commodité est applicable ? Le citoyen doit-il jamais seulement, ou à moindre degré, renoncer à sa conscience au profit du législateur ? Pourquoi chaque homme a-t-il une conscience alors ? Je pense que nous devrions être des hommes d’abord et des sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver un respect de la loi, comme pour le droit. La seule obligation que je dois assumer est de faire à tout moment ce que je pense juste. On a assez dit qu’une société n’a pas de conscience ; mais une société d’hommes consciencieux est une société avec une conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un peu plus justes ; et, au moyen de leur respect pour elle, même les bien-disposés sont quotidiennement les agents de l’injustice. Un résultat commun et naturel d’un respect indu pour la loi est qu’il est possible de voir un défilé de soldats, colonel, capitaine, caporal, combattants, va-t-en-guerre et autres, défilant côte à côte dans un ordre admirable, contre leur volonté, eh oui, contre leur bon sens et leur conscience, ce qui le rend très raide quand il marche, et produit une palpitation du cœur. Ils ne doutent pas que c’est une affaire odieuse dans laquelle ils sont concernés ; ils ont tous une inclination pacifique. Maintenant, que sont-ils ? Des hommes ? Ou des fortins et magasins d’armes mobiles, au service d’un homme sans scrupule au pouvoir ? Visitez l’arsenal de la Navy et observez un marin, un homme tel que le gouvernement américain peut en faire - ou ce qu’il peut faire d’un homme avec son art noir - une simple ombre et une réminiscence de l’humanité, un homme disposé vivant et debout, et déjà, comme on peut dire, enterré sous les armes avec accompagnement funéraire, bien qu’il puisse être,

« Ni note funèbre, ni tambour entendu,
pour son cadavre au rempart dépêché ;
Aucun soldat n’a tiré de salve d’adieu
Sur la tombe où notre héros a été couché. »

La masse des hommes sert donc l’État, non pas principalement en tant qu’hommes, mais en tant que machines, avec leurs corps. Il s’agit de l’armée permanente, de la milice, des geôliers, des gendarmes, posse comitatus, etc. Dans la plupart des cas, il n’y a pas d’exercice libre du jugement ou du sens moral ; mais ils se mettent au même niveau que le bois, la terre et les pierres ; et on pourrait sans doute fabriquer des hommes de bois qui servirait également à cette fin. Cela ne commande pas plus le respect que des hommes de paille ou qu’une motte de terre. Ils ont le même genre de valeur que les chevaux et les chiens. Pourtant, de telles personnes sont généralement considérées comme de bons citoyens. D’autres, tels que la plupart des législateurs, des politiciens, des avocats, des ministres et des fonctionnaires, servent l’État essentiellement avec la tête ; et, comme ils font rarement des distinctions morales, ils sont aussi susceptibles de servir le diable, sans le vouloir, que Dieu. Un très petit nombre, héros, patriotes, martyrs, réformateurs au sens large du terme, et quelques hommes, servent l’État aussi avec leur conscience, et lui résistent nécessairement pour l’essentiel ; ils sont généralement traités comme des ennemis. Un homme sage ne sera utile qu’en tant qu’homme et ne se soumettra pas comme de l’« argile » ou de « bouche-trou pour chasser le vent », mais quittera cette fonction avec sa poussière pour le moins :

« Je suis de trop haute naissance pour être la propriété,
Et sous contrôle une seule seconde,
Ou instrument et serviteur pratique
D’un État souverain à travers le monde. »

Celui qui se donne entièrement à ses semblables leur parait inutile et égoïste ; mais celui qui se donne partiellement à eux est déclaré bienfaiteur et philanthrope.

Comment un homme doit-il se comporter envers le gouvernement américain aujourd’hui ? Je réponds qu’il ne peut pas, sans honte, y être associé. Je ne peux pas un instant reconnaitre cette organisation politique comme mon gouvernement, elle qui est également le gouvernement de l’esclave. 

Tous les hommes reconnaissent le droit à la révolution ; c’est-à-dire le droit de refuser l’allégeance au gouvernement, et de lui résister, lorsque sa tyrannie ou son incompétence sont grandes et insupportables. Mais presque tous disent que tel n’est pas le cas maintenant. Mais tel était le cas, pensent-ils, dans la révolution de 75. Si on me disait que c’était un mauvais gouvernement parce qu’il taxait certains produits étrangers apportés dans ses ports, il est fort probable que je ne devrais pas en parler, car je peux me passer d’eux. Toutes les machines ont leurs frictions ; et peut-être que cela fait assez de bien pour contrebalancer le mal. Quoi qu’il en soit, c’est un grand mal de s’en émouvoir. Mais lorsque la friction viendra à avoir son moteur, que l’oppression et le vol seront organisés, je dirai, ne possédons plus une telle machine. En d’autres termes, lorsqu’un sixième de la population d’un pays, qui s’est engagé à être le refuge de la liberté, sont des esclaves et qu’un pays entier est injustement envahi et conquis par une armée étrangère et soumis à la loi militaire, je pense qu’il n’est pas trop tôt pour que les honnêtes hommes se rebellent et fassent la révolution. Ce qui rend ce devoir d’autant plus urgent, c’est que le pays ainsi envahi n’est pas le nôtre, mais c’est le nôtre qui est l’armée d’invasion. 

Paley, une autorité commune sur de nombreuses questions morales, dans son chapitre sur le « Devoir de Soumission au Gouvernement Civil » résout toute obligation civile avec opportunisme ; et il continue en disant que « tant que l’intérêt de la société tout entière l’exige, c’est-à-dire que tant qu’on ne peut résister au gouvernement établi ou le changer sans inconvénient public, c’est la volonté de Dieu... que le gouvernement établi doit être obéi, et non plus… Ce principe une fois admis, la justice de chaque cas particulier de résistance est réduite à un calcul de la quantité du danger et du grief d’un côté, ainsi que de la probabilité et du cout de le réparer de l’autre. » De ceci, dit-il, chaque homme jugera par lui-même. Mais Paley semble n’avoir jamais envisagé les cas auxquels la règle de l’opportunité ne s’applique pas, dans lesquels un peuple, tout comme un individu, doit rendre justice, quoi qu’il en coute. Si j’ai injustement arraché une planche à un homme qui se noie, je dois la lui rendre, même si je dois me noyer. Cela, selon Paley, serait gênant. Mais celui qui voudrait sauver sa vie, dans un tel cas, la perdra. Ce peuple doit cesser de soumettre des esclaves et de faire la guerre au Mexique, même si cela leur coute d’exister en tant que peuple. 

Dans leur pratique, les nations sont d’accord avec Paley ; mais est-ce que quelqu’un pense que le Massachusetts fait exactement ce qui est juste dans la crise actuelle ?

« Une créature terne,
une pute vêtue d’argent,
le cul emmitouflé,
et l’âme dans la boue. »

Dans la pratique, les opposants à une réforme dans le Massachusetts ne sont pas cent-mille hommes politiques du Sud, mais cent-mille commerçants et agriculteurs d’ici, qui s’intéressent davantage au commerce et à l’agriculture qu’à l’humanité et ne sont pas disposés à faire justice à l’esclave et au Mexique, quoi qu’il en coute. Je ne me querelle pas avec des ennemis lointains, mais avec ceux qui, près de chez moi, coopèrent avec ceux qui sont loin, et font leur jeu, et s’en tiennent à ceux-ci, sans qui ces derniers seraient inoffensifs. Nous avons l’habitude de dire que la masse des hommes n’est pas préparée ; mais l’amélioration est lente, car la minorité n’est pas matériellement plus sage ou meilleure que la majorité. Il est peu important que beaucoup soient aussi bons que vous, pourvu qu’il y ait une bonté absolue quelque part ; car cela fera lever toute la masse. Des milliers de personnes sont opposées à l’esclavage et à la guerre, qui ne font pourtant rien pour y mettre fin ; qui, s’estimant eux-mêmes enfants de Washington et de Franklin, s’assoient les mains dans les poches, et disent qu’ils ne savent pas quoi faire, et ne font rien ; qui même, renvoient la question de la liberté après la question du libre-échange, et lisent tranquillement les cours de la Bourse et les derniers articles du Mexique, après le diner, et, éventuellement, s’endorment sur les deux. Quel est le cours actuel d’un honnête homme et d’un patriote ? Ils hésitent et ils regrettent, et parfois ils font des pétitions ; mais ils ne font rien sérieusement et avec effet. Ils attendront, bien disposés, que les autres remédient au mal, pour qu’ils n’aient plus à le regretter. Tout au plus, ils n’abandonnent qu’un vote bon marché, un faible encouragement et un bon voyage, à la Justice, quand elle passera. Il y a neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf défenseurs de la vertu pour un homme vertueux. Mais il est plus facile de s’occuper du véritable possesseur d’une chose que de son gardien temporaire. 

Tout vote est une sorte de jeu, comme les dames ou le backgammon, avec une légère nuance morale, un jeu du vrai et du faux, avec des questions morales ; et les paris l’accompagnent naturellement. Le caractère des électeurs n’est pas en jeu. Je vote, peut-être, comme je pense, avec droiture ; mais je ne suis pas absolument préoccupé de faire prévaloir ce droit. Je suis prêt à laisser cela à la majorité. Son devoir ne dépasse donc jamais celle de la convenance. Même voter pour la justice ne change rien. Ça ne revient qu’à exprimer  faiblement vos désirs qu’elle l’emporte. Un homme sage ne laissera pas le droit à la merci du hasard, et ne voudra pas que la majorité l’emporte. Il y a peu de vertu dans l’action d’une foule d’hommes. Quand la majorité votera enfin en faveur de l’abolition de l’esclavage, ce sera parce qu’elle est indifférente à l’esclavage ou qu’il ne reste que peu d’esclavage à abolir par son vote. Ils seront alors les seuls esclaves. Seul peut accélérer l’abolition de l’esclavage le vote de celui qui affirme sa propre liberté par ce vote.

J’entends parler d’une convention devant se tenir à Baltimore, ou ailleurs, pour la sélection d’un candidat à la présidence composé principalement de rédacteurs en chef et de politiciens de profession ; mais je me demande, quelle décision peut prendre un homme indépendant, intelligent et respectable ? Ne pouvons-nous pas avoir l’avantage de cette sagesse et de cette honnêteté, néanmoins ? Ne pouvons-nous pas compter sur des votes indépendants ? N’y a-t-il pas beaucoup de personnes dans le pays qui n’assistent pas aux conventions ? Mais non : je trouve que l’homme respectable, ainsi nommé, s’est immédiatement écarté de sa position et désespère de son pays alors que son pays a plus de raisons de désespérer de lui. Il choisit immédiatement l’un des candidats ainsi sélectionnés comme le seul disponible, prouvant ainsi qu’il est lui-même utilisable pour les besoins du démagogue. Son vote n’a pas plus de valeur que celui de tout mercenaire sans scrupule ou larbin, qui aurait pu être acheté. Ou est l’homme honnête, celui, comme dit mon voisin, qu’on ne peut manœuvrer comme une lopette ! Nos statistiques sont en cause : le recensement a été falsifié. Combien d’hommes y a-t-il sur un millier de kilomètres carrés dans le pays ? À peine un. L’Amérique n’encourage-t-elle pas les hommes à s’installer ici ? L’Américain est devenu un type bizarre - un qui peut être connu grâce au développement de son organe de grégarité, et à un manque manifeste d’intelligence et de joyeuse autonomie ; dont la première et principale préoccupation lors de son entrée dans le monde est de veiller à ce que les maisons de retraite soient en bon état ; et, encore plus tôt, il a légalement revêtu l’habit viril, pour collecter des fonds au soutien des veuves et des orphelins éventuels ; qui, en somme, ne vit que grâce à l’aide de la compagnie d’assurance mutuelle, qui a promis de l’enterrer convenablement. 

Il n’est naturellement pas du devoir de l’homme de se consacrer à l’éradication de tout, même de la plus grande injustice ; il peut encore avoir d’autres soucis en tête; mais il est au moins de son devoir de ne pas s’en laver les mains et, s’il n’y pense plus, de ne pas lui accorder pratiquement son soutien. Si je me consacre à d’autres activités et à d’autres méditations, je dois d’abord au moins m’assurer que je ne les poursuis pas assis sur les épaules d’un autre homme. Je dois d’abord le quitter, afin qu’il puisse poursuivre ses propres méditations. Voyez quelle incohérence flagrante est tolérée. J’ai entendu certains de mes concitoyens dire : « Je voudrais bien voir qu’ils m’ordonnent de réprimer l’insurrection des esclaves, ou de marcher sur Mexico, pas question d’obéir » ; et pourtant ces mêmes hommes ont chacun, directement par leur allégeance, et donc au moins indirectement, par leur argent, fourni un suppléant. Le soldat qui refuse de servir dans une guerre injuste est applaudi par ceux qui ne refusent pas de soutenir le gouvernement injuste qui fait la guerre ; est applaudi par ceux dont il ignore l’acte et l’autorité et le réduit à néant ; comme si l’État était pénitent et avait embauché quelqu’un pour le fouetter pendant qu’il péchait, mais pas au point de cesser de pécher un seul instant. Ainsi, sous le nom d’Ordre et de gouvernement Civil, nous sommes enfin amenés à rendre hommage à notre propre mesquinerie et à la soutenir. Après avoir rougi du péché vient l’indifférence ; et d’immoral, il devient, pour ainsi dire, amoral, et pas tout à fait inutile dans cette vie que nous vivons.

L’erreur la plus large et la plus répandue nécessite la vertu la plus désintéressée pour la supporter. Le léger reproche auquel la vertu du patriotisme est communément mise en cause, est le plus susceptible d’être encouru par le noble. Ceux qui, tout en désapprouvant le caractère et les mesures d’un gouvernement, lui cèdent leur allégeance et leur soutien, en sont sans aucun doute les supporteurs les plus consciencieux, et fréquemment les plus sérieux obstacles à réformer. Certains demandent à l’État de dissoudre l’Union, pour négliger les réquisitions du président. Pourquoi ne le dissolvent-ils pas eux-mêmes - l’union entre eux et l’État - et ne refusent-ils pas de verser leur quotepart au trésor ? Ne sont-ils pas dans la même relation avec l’État que l’État avec l’Union ? Et les mêmes raisons n’ont-elles pas empêché l’État de résister à l’Union qui les a empêchées de résister à l’État ? 

Comment un homme peut-il se contenter de méditer une opinion et de l’apprécier ? Y a-t-il du plaisir en cela, si son opinion est qu’il est lésé ? Si votre voisin vous gruge d’un dollar, vous ne vous contentez pas de savoir que vous êtes grugé, ou de dire que vous êtes grugé, ni même de lui demander de vous rembourser votre dû ; mais vous prenez des mesures effectives immédiatement pour obtenir le montant total et veillez à ce que vous ne soyez plus jamais floué. L’action par principe, la perception et l’exécution du droit, modifient les choses et les relations ; c’est par essence révolutionnaire, et n’a aucun rapport avec ce qui était. Il divise non seulement les États et les églises, il divise les familles ; oui, il divise l’individu, séparant le diabolique en lui du divin. 

Des lois injustes existent : devons-nous être heureux de leur obéir, ou chercherons-nous à les modifier et à leur obéir jusqu’à ce que nous ayons réussi, ou devons-nous les transgresser immédiatement ? Les hommes, généralement, sous un gouvernement tel que celui-ci, pensent qu’ils devraient attendre jusqu’à ce qu’ils aient persuadé la majorité de les modifier. Ils pensent que, s’ils devaient résister, le remède serait pire que le mal. Mais c’est la faute du gouvernement lui-même si le remède est pire que le mal. C’est encore pire. Pourquoi n’est-il pas plus apte à anticiper et à prévoir des réformes ? Pourquoi ne chérit-il pas la sagesse de sa minorité ? Pourquoi pleure-t-il et résiste-t-il avant même d’être blessé ? Pourquoi n’encourage-t-il pas ses citoyens à chercher ses erreurs, et le pousser à s’améliorer ? Pourquoi crucifie-t-il toujours le Christ, et excommunie-t-il Copernic et Luther, et déclare-t-il Washington et Franklin rebelles ? 

On pourrait penser qu’un déni délibéré et concret de son autorité était la seule infraction jamais envisagée par le gouvernement ; sinon, pourquoi n’a-t-il pas fixé une peine définitive, appropriée et proportionnée ? Si un homme qui n’a pas de biens refuse une fois de gagner neuf shillings pour l’État, il est mis en prison pour une durée illimitée selon toute loi que je connais, et déterminée uniquement à la discrétion de ceux qui l’y ont mis ; mais s’il volait quatre-vingt-dix fois neuf shillings à l’État, il serait rapidement remis en liberté. 

Si l’injustice fait partie du frottement nécessaire à l’appareil gouvernemental, qu’il aille, qu’il aille : peut-être qu’il s’usera en douceur - il est certain que l’appareil va s’user. Si l’injustice a un ressort, une poulie, une corde, ou une manivelle, adaptée à elle-même, alors vous pouvez peut-être vous demander si le remède ne sera pas pire que le mal ; mais s’il est d’une nature telle qu’il vous oblige à être l’agent de l’injustice envers un autre, alors je dis, enfreignez la loi. Faites de votre vie un contre-frottement pour arrêter la machine. Ce que je dois faire est de m’assurer, en tout cas, que je ne me prête pas au tort que je condamne. 

En ce qui concerne l’adoption des moyens que l’État a prévus pour remédier au mal, je n’ai pas la connaissance que de tels moyens existent. Ils prennent trop de temps et la durée de vie d’un homme n’y suffit pas. J’ai d’autres affaires à gérer. Je ne suis pas venu dans ce monde pour en faire un bon endroit pour vivre, mais pour y vivre qu’il soit bon ou mauvais. Un homme n’a pas tout à faire, mais quelque chose ; et ce n’est pas parce qu’il ne peut pas tout faire, qu’il doit nécessairement faire quelque chose de mal. Ce n’est pas à moi de lancer des pétitions au gouverneur ou au législateurs, pas plus qu’il ne leur appartient de me pétitionner ; et s’ils ne devaient pas entendre ma pétition, que devrais-je faire alors ? Mais pour ce cas l’État n’a fourni aucun moyen : le mal est dans la Constitution. Cela peut sembler dur, borné et intolérant; mais c’est traiter avec la plus grande gentillesse et la plus grande considération le seul esprit qui peut l’apprécier ou le mériter. Il en est ainsi de tout changement pour obtenir le meilleur, comme la naissance et la mort, qui convulsent le corps. 

Je n’hésite pas à dire que ceux qui s’appellent eux-mêmes Abolitionnistes devraient immédiatement retirer leur soutien, à la fois en personne et en propriété, au gouvernement du Massachusetts, et ne pas attendre qu’ils constituent une majorité d’une voix, avant de bénéficier du droit de triompher à travers eux. Je pense qu’il suffit d’avoir Dieu à ses côtés, sans attendre un autre. De plus, tout homme plus juste que ses voisins constitue déjà une majorité d’un. 

Je rencontre ce gouvernement américain, ou son représentant, le gouvernement de l’État, directement et face à face, une fois par an - pas plus - en la personne de son percepteur ; c’est le seul mode par lequel un homme dans ma situation le rencontre nécessairement ; et alors il dit distinctement : reconnais-moi ; et le plus simple, le plus efficace et, dans la situation actuelle des affaires, le moyen le plus indispensable de traiter avec lui de la question, d’exprimer votre peu de satisfaction et d’amour pour lui, est de le désapprouver aussitôt. Mon aimable voisin, le collecteur d’impôts, est l’homme même avec lequel j’ai affaire - car ce sont des hommes, pas des parchemins, avec qui je me querelle - et il a volontairement choisi d’être un agent du gouvernement. Comment saura-t-il jamais ce qu’il est et fait en tant qu’officier du gouvernement ou en tant qu’homme, jusqu’à ce qu’il soit obligé de se demander s’il doit me traiter moi, son voisin, pour qui il a du respect, soit en tant que voisin et homme bien disposé soit comme maniaque et perturbateur de la paix, et voir s’il peut surmonter cet obstacle de voisinage sans une pensée ou un discours plus grossier et plus impétueux équivalent à son action. Je pari que, si mille, si cent, si dix hommes que je pourrais nommer - si seulement dix honnêtes hommes, oui, si un honnête homme, dans cet État du Massachusetts, cessant d’avoir des esclaves, devait se retirer de ce partenariat, et être enfermé dans la prison du comté à cet effet, ce serait l’abolition de l’esclavage en Amérique. Car peu importe à quel point le début peut paraitre insignifiant : ce qui est bien fait une fois l’est pour toujours. Mais nous préférons en parler : bavarder est notre mission. La réforme conserve de nombreux journaux à son service, mais pas un seul homme.  Si mon estimé voisin, l’ambassadeur de l’État, qui consacre ses journées au règlement de la question des droits de l’homme à la chambre du Conseil, au lieu d’être menacé des prisons de Caroline, devait accepter la prison du Massachusetts, cet État si soucieux d’imputer le péché d’esclavage à sa sœur - bien qu’elle puisse à présent ne lui reprocher qu’un acte d’inhospitalité comme motif de querelle - le législateur n’abandonnerait pas totalement le sujet l’hiver suivant. 

Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la vraie place pour un homme juste est aussi la prison. Aujourd’hui, le seul endroit que le Massachusetts a prévu pour ses esprits les plus libres et les moins déprimés est dans ses prisons, pour être mis à la porte de l’État par leur action, comme ils se sont mis dehors eux-mêmes par leurs principes. C’est là que l’esclave en fuite, le prisonnier mexicain en liberté conditionnelle et l’Indien venus plaider les torts faits à son peuple devraient les retrouver ; dans cet endroit isolé, mais plus libre et honorable, où l’État place ceux qui ne sont pas avec elle, mais contre elle, la seule maison d’un État esclavagiste dans laquelle un homme libre peut vivre avec honneur. Si certains pensent que leur influence serait perdue là-bas, et que leurs voix n’affligeaient plus l’oreille de l’État, qu’ils ne seraient pas comme un ennemi entre ses murs, ils ne savent pas en quoi la vérité est plus forte que l’erreur, ni comment  peut lutter contre l’injustice avec beaucoup plus d’efficacité et d’éloquence celui qui a un peu expérimenté dans sa personne. Exprimez tout votre vote, pas simplement un bout de papier, mais toute votre influence. Une minorité est impuissante quand elle se conforme à la majorité ; ce n’est alors même pas une minorité ; mais elle est irrésistible quand elle entrave de tout son poids. Si l’alternative est de garder tous les hommes justes en prison, ou d’abandonner la guerre et l’esclavage, l’État n’hésitera pas à choisir. Si un millier d’hommes ne devaient pas payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une mesure violente et sanglante, mais par contre ça le serait de les payer en permettant à l’État de commettre des actes de violence et de verser du sang innocent. C’est en fait la définition d’une révolution pacifique, si une telle révolution est possible. Si le percepteur, ou tout autre fonctionnaire, me demandent, comme on me l’a demandé, « Mais que dois-je faire ? » Ma réponse est : « Si vous voulez vraiment faire quelque chose, démissionnez. » Lorsque le sujet a refusé l’allégeance et que le fonctionnaire a démissionné de son poste, la révolution est accomplie. Mais même supposons que le sang coule à flots. N’y a-t-il pas une sorte de sang versé lorsque la conscience est blessée ? À travers cette blessure, le véritable courage et l’immortalité d’un homme s’écoulent, et il saigne jusqu’à la mort éternelle. Je vois ce sang couler maintenant.

J’ai envisagé l’emprisonnement du contrevenant, plutôt que la saisie de ses biens - bien que les deux servent le même but - parce que ceux qui revendiquent le droit légitime et qui, par conséquent, sont les plus dangereux pour un État corrompu, n’ont généralement pas passé beaucoup de temps à accumuler des biens. L’État leur rend un service relativement modeste, et un impôt léger a tendance à leur paraitre exorbitant, en particulier s’ils sont obligés de le gagner de leur main. S’il y en avait un qui vivait entièrement sans argent, l’État lui-même hésiterait à le lui demander. Mais le riche – pour ne pas faire une comparaison fallacieuse - est toujours vendu à l’institution qui le rend riche. Pour le dire dans l’absolu : le plus d’argent, le moins de vertu ; car l’argent s’interpose entre un homme et ses biens et les lui procure ; il ne fallait certainement pas une grande vertu pour les obtenir. Cela élimine de nombreuses questions auxquelles il faudrait répondre ; alors que la seule nouvelle question qu’elle pose est la question difficile, mais superflue, comment le dépenser. Ainsi, son fondement moral est foulé aux pieds. Les chances de bien vivre sont diminuées d’autant que ce que l’on appelle les « moyens » sont augmentés. La meilleure chose qu’un homme puisse faire pour sa culture quand il est riche est de s’efforcer de mettre en œuvre les projets qu’il entretenait quand il était pauvre. Christ a répondu aux Hérodiens selon leur condition. « Montrez-moi l’argent de votre tribut », dit-il - et l’un a pris un centime de sa poche - si vous utilisez de l’argent a l’image de César, auquel il a donné sa valeur actuelle, c’est-à-dire, si vous êtes des personnes de l’État qui profitent volontiers des avantages du gouvernement de César, alors rendez-lui une partie des siens lorsqu’il le demande. « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », ne les laissant pas plus sages qu’avant pour faire la différence; car ils ne voulaient pas savoir.

Lorsque je discute avec les plus ouverts de mes voisins, je me rends compte que, quoi qu’ils puissent dire de l’ampleur et du sérieux de la question, et de leur attachement à la tranquillité publique, il s’ensuit qu’ils ne peuvent se passer de la protection du gouvernement en place, et ils redoutent les conséquences de la désobéissance civile sur leurs biens et leurs familles. Pour ma part, je ne voudrais pas penser que je compte toujours sur la protection de l’État. Mais si je dénie l’autorité de l’État lorsqu’il me présente sa feuille d’impôt, il prendra et dilapidera rapidement tous mes biens et me harcèlera sans fin, moi et mes enfants. C’est difficile. Il est impossible à un homme de vivre honnêtement et en même temps confortablement, sur le plan matériel. Il ne sert à rien d’accumuler des biens, si on doit encore recommencer. Vous devez louer ou squatter quelque part, ne récolter que le nécessaire et le manger aussitôt. Vous devez vivre en autarcie et ne compter que sur vous, toujours disponible et prêt à repartir, et peu de bagages. Un homme peut s’enrichir en Turquie même s’il est à tout point de vue un bon sujet du gouvernement turc. Confucius a dit : « Si un État est régi par les principes de la raison, pauvreté et misère sont des sujets de honte. Si un État n’est pas régi par les principes de la raison, richesse et honneurs sont des sujets de honte. » Non : tant que je ne souhaite pas bénéficier de la protection du Massachusetts dans un port éloigné du sud du pays, où ma liberté est menacée, ou tant que je ne me consacre pas uniquement à m’occuper de mes affaires chez moi par une entreprise pacifique, je peux me permettre de refuser allégeance au Massachusetts, et son droit à ma propriété et à ma vie. Il m’en coute moins dans tous les cas d’encourir une pénalité pour désobéissance à l’État qu’il ne m’en couterait de lui obéir. Je m’abaisserais dans ce cas. 

Il y a quelques années, l’État est venu me chercher au nom de l’Église et m’a ordonné de verser une certaine somme pour le soutien d’un pasteur auquel mon père assistait à la prédication, mais jamais moi-même. « Payez, » dit-il, « ou vous serez emprisonné. » J’ai refusé de payer. Mais, malheureusement, un autre homme a jugé bon de payer pour moi. Je ne vois pas pourquoi le maitre d’école devrait être taxé pour subvenir aux besoins du prêtre et non le prêtre pour le maitre d’école; car je n’étais pas maitre d’école de l’État, mais je vivais par souscription volontaire. Je ne voyais pas pourquoi le lycée ne devrait pas présenter sa feuille d’impôt, et avoir l’État pour soutenir sa demande, comme le fait l’Église. Cependant, à la demande de l’élu local, j’ai daigné faire une déclaration comme la suivante par écrit : « Veuillez messieurs prendre acte par cette présente, que moi, Henry Thoreau, je ne souhaite pas être considéré comme membre d’une société que je n’ai jamais rejointe. » Ce que j’ai donné au greffier de la ville ; et il en a pris acte. L’État, ayant ainsi appris que je ne souhaitais pas être considéré comme membre de cette église, ne m’a jamais refait la même demande ; tout en affirmant qu’il se devait de respecter sa présomption initiale avant cela. Si j’avais su comment les nommer, j’aurais alors dénoncé en détail les contrats avec toutes les sociétés auxquelles je n’avais jamais adhéré ; mais je ne savais pas où trouver une liste complète. 

Je n’ai payé aucune capitation depuis six ans. J’ai été jeté en prison une fois à ce titre, pour une nuit; et, alors que je me tenais debout face à des murs de pierre solide de deux ou trois pieds d’épaisseur, à une porte de bois et de fer de un pied d’épaisseur, et au grillage de fer qui atténuait la lumière, je ne pus m’empêcher d’être frappée par la folie de cette institution, qui me traitait comme si je n’étais que chair, sang et os, bon à être enfermé. Je me suis demandé s’ils en avaient conclu que c’était le meilleur usage possible qu’il pouvait faire de moi, et qu’ils n’avaient jamais pensé à faire appel à mes services d’une autre manière. J’ai vu que s’il y avait un mur de pierre entre moi et mes concitoyens, ils en avaient un encore plus difficile à gravir ou à traverser avant de pouvoir être aussi libre que moi. Je ne me suis pas senti un instant confiné, et les murs semblaient un gaspillage de pierre et de mortier. Je me sentais comme si moi seul de tous mes concitoyens avait payé l’impôt. Manifestement, ils ne savaient pas comment me traiter, mais se comportaient comme des rustres. Dans chaque menace et dans chaque compliment, ils se trompaient ; car ils pensaient que mon désir le plus cher était de me tenir de l’autre côté de ce mur de pierre. Je ne pouvais que sourire de voir avec quel acharnement ils voulaient bloquer mes méditations, qui les suivaient sans encombre, ni obstacle, et pourtant c’est d’elles que venaient réellement le danger. Comme ils ne pouvaient m’atteindre, ils avaient résolu de punir mon corps ; comme des gamins, s’ils ne peuvent pas s’en prendre à quelqu’un contre qui ils ont un grief, ils s’en prennent à son chien. J’ai vu que l’État était simplet, qu’il était timide comme une femme seule avec ses cuillères en argent, et qu’il ne reconnaissait pas ses amis de ses ennemis, et j’ai perdu tout le respect que j’avais pour lui et le plaignais.

Ainsi, l’État ne se confronte jamais intentionnellement au sens intellectuel ou moral d’un homme, mais uniquement à son corps et ses sens. Il n’est pas armé d’un esprit ou d’une honnêteté supérieure, mais d’une force physique supérieure. Je ne suis pas né pour être contraint. Je veux respirer à ma façon. Voyons qui est le plus fort. Quelle force a une multitude ? Ne peuvent me contraindre que ceux qui ont une loi plus élevée que la mienne. Ceux-là me forcent à devenir comme eux. Je n’ai jamais entendu dire que des hommes puissent être forcés de vivre de telle ou telle façon par des masses d’hommes. À quoi sert de vivre ainsi ? Quand je rencontre un gouvernement qui me dit : « La bourse ou la vie », pourquoi devrais-je me hâter de la donner ? Il se peut qu’il soit dans un grand désarroi et qu’il ne sache pas quoi faire : je ne peux l’aider. Il doit s’aider lui-même ; qu’il fasse comme moi. Il n’est pas nécessaire de pleurnicher pour ça. Je ne suis pas responsable du bon fonctionnement de l’appareil social. Je ne suis pas le fils de l’ingénieur. Je vois que, quand un gland et une châtaigne tombent côte à côte, l’un ne reste pas inerte pour laisser la place à l’autre, mais tous deux obéissent à leurs propres lois, et jaillissent, poussent et fleurissent du mieux qu’ils peuvent, jusqu’à ce que l’un, par hasard, éclipse et détruit l’autre. Si une plante ne peut pas vivre selon la nature, elle meurt ; c’est pareil pour l’homme.

La nuit en prison était une nouveauté pour moi et plutôt intéressante. Les prisonniers en bras de chemise profitaient de l’air du soir en conversant dans l’embrasure de la porte lorsque j’arrivais. Mais le geôlier dit : « Allez, les gars, il est temps de rentrer » ; ils se dispersèrent et j’entendis le son de leurs pas s’éloigner vers leurs cavernes. Le geôlier m’a présenté mon compagnon de cellule comme étant « un excellent homme et intelligent ». Quand la porte fut fermée, il me montra où accrocher mon chapeau et comment se gérait les affaires ici. Les chambres étaient blanchies à la chaux une fois par mois ; et celle-ci, pour le moins, était l’appartement le plus blanc, le plus simplement meublé et probablement le plus élégant de la ville. Il voulut naturellement savoir d’où je venais et ce qui m’avait amené là ; et, une fois que je le lui eus dit, je lui demandais à mon tour comment lui-même y était parvenu, en présumant bien entendu qu’il était un honnête homme ; et à la manière dont le monde va, je crois qu’il en était un. « Pourquoi », dit-il, « ils m’accusent d’avoir brulé une grange ; mais je ne l’ai jamais fait. » D’après ce que j’ai pu découvrir, il était probablement allé se coucher dans une grange alors qu’il était ivre et y avait fumé sa pipe ; et c’est ainsi qu’une grange a brulé. Il avait la réputation d’être un homme intelligent, attendait son procès depuis trois mois environ, et devrait attendre encore plus longtemps ; mais il était tout à fait apprivoisé et content de son sort, car il avait sa pension gratuite et trouvait qu’il était bien traité. 

Il occupait une fenêtre et moi l’autre ; et j’ai vu que si on était là pour longtemps, l’activité principale était de regarder par la fenêtre. J’avais bientôt lu tous les magazines que j’ai pu trouver, et examiné par où d’anciens prisonniers s’étaient échappés, et où une grille avait été sciée, et entendu l’histoire des différents occupants de cette pièce ; car j’ai trouvé que même ici il y avait des histoires et des commérages qui ne circulaient jamais au-delà des murs de la prison. C’est probablement le seul foyer de la ville où sont composés des vers, qui sont ensuite imprimés pour le cercle, mais non publiés. On m’a montré une assez longue liste de jeunes hommes qui avaient été découverts lors d’une tentative d’évasion, qui se sont vengés en les chantant.

J’essorais mon codétenu aussi sec que possible, de peur de ne plus jamais le revoir ; enfin il m’a montré mon lit et m’a laissé éteindre la lampe. 

Rester là une nuit, c’était comme de voyager en pays lointain, comme je ne m’étais jamais attendu à le voir. Il me semblait que je n’avais jamais entendu la sonnerie de l’horloge de la ville auparavant, ni les bruits nocturnes ; car nous dormions avec les fenêtres ouvertes, qui étaient à l’intérieur du grillage. Je voyais mon village natal comme à la lumière du Moyen Âge, et notre Concorde a été transformée en Rhin, puis des visions de chevaliers et de châteaux forts ont défilé devant moi. Il y avait les voix des « burghers » que j’entendais dans les rues. J’étais un spectateur et un auditeur involontaires de tout ce qui était fait et dit dans la cuisine de l’auberge du village voisin ; une expérience tout à fait nouvelle et rare pour moi. C’était une vue rapprochée de ma ville natale. J’étais clairement  à l’intérieur. Je n’avais jamais vu ses établissements auparavant. Cette prison est l’une de ses institutions particulières, car c’est une capitale de Comté. J’ai commencé à comprendre à quoi ressemblaient ses habitants. 

Le matin, nos petits-déjeuners étaient passés à travers une ouverture dans la porte, dans de petites casseroles de forme rectangulaire et oblongue, faites sur mesure, et contenant une pinte de chocolat, avec du pain brun, et une cuillère en fer. Quand ils ont rappelé les gamelles, j’étais suffisamment candide pour rendre le pain qui me restait, mais mon camarade l’a rattrapé et m’a dit que je devrais le conserver pour le déjeuner ou le diner. Peu de temps après, il fut autorisé à travailler dans un champ voisin où il se rendait tous les jours et ne reviendrait pas avant midi ; alors il m’a salué, disant qu’il doutait de me revoir. 

Lorsque je suis sorti de prison, car quelqu’un est intervenu en payant cet impôt, je ne me suis pas rendu compte que de grands changements s’étaient produits dans la communauté, comme a pu l’observer celui qui partit jeune reviens homme grisonnant ; et pourtant, un changement est apparu à mes yeux sur la scène, la ville, l’État et le pays, plus grand que ce que seul le temps pouvait faire. J’ai vu encore plus distinctement l’État dans lequel je vivais. J’ai vu à quel point faire confiance aux personnes parmi lesquelles je vivais en tant que bons voisin et ami ; que leur amitié n’était que pour la bonne saison ; qu’ils ne proposaient pas beaucoup de bien faire ; qu’ils étaient une race distincte de moi par leurs préjugés et leurs superstitions, comme le sont les Chinois et les Malais ; que dans leurs sacrifices à l’humanité, ils ne couraient aucun risque, pas même pour leurs biens ; qu’après tout, ils n’étaient pas si nobles, mais ils traitaient le voleur comme il les avait traités, et espéraient, par une certaine observance extérieure et quelques prières, et en empruntant de temps en temps un chemin bien particulier, quoiqu’inutiles, pour sauver leurs âmes. C’est peut-être juger mes voisins sévèrement ; car je crois que beaucoup d’entre eux ne savent pas que la prison est une institution de leur village. 

C’était autrefois la coutume dans notre bourg, quand un pauvre débiteur sort de prison, que ses connaissances le saluent, regardant à travers leurs doigts croisés pour représenter la fenêtre de la prison, « Comment allez-vous ? » Mes voisins ne m’ont donc pas salué, mais ils m’ont d’abord dévisagé, puis se regardèrent l’un l’autre, comme si j’étais revenu d’un long voyage. J’ai été jeté en prison alors que j’allais chez le cordonnier chercher une chaussure en réparation. Quand je fus sorti le lendemain matin, je finis ma course et, après avoir mis mon soulier réparé, rejoignis un groupe de cueilleur d’airelles qui étaient impatients de se mettre sous ma direction ; et en une demi-heure, le cheval ayant été rapidement harnaché, nous nous trouvions au milieu d’un champ d’airelles, sur l’une de nos plus hautes collines, à deux milles de distance, et d’ici l’État était invisible. 

Voilà toute l’histoire de « Mes prisons ». 

Je n’ai jamais refusé de payer la taxe de circulation, parce que je souhaite être autant un bon voisin qu’un mauvais sujet ; et en ce qui concerne le soutien aux écoles, je fais maintenant ma part pour éduquer mes compatriotes. Ce n’est pour aucun élément des impôts que je refuse de le payer. Je souhaite simplement refuser l’allégeance à l’État, me retirer et rester à l’écart de celui-ci. Je ne me soucie pas de suivre à la trace le chemin de mon dollar, si cela était possible, jusqu’à ce qu’il achète un homme ou un mousquet pour en tuer un - le dollar est innocent – mais je suis soucieux de connaitre les effets de mon allégeance. En fait, je déclare tranquillement la guerre à l’État, à ma façon, même si je continue d’en tirer parti et tous les avantages, comme il est habituel dans de tels cas.

Si d’autres paient l’impôt que l’on me réclame, par sympathie pour l’État, ils ne font que ce qu’ils ont déjà fait pour leur propre cas, ou même en vérité ils encouragent l’injustice dans une plus grande mesure que ce que l’État exige. S’ils paient l’impôt de la personne taxée, pour une raison injustifiée, pour sauver sa propriété ou pour l’empêcher d’aller en prison, c’est parce qu’ils n’ont pas réfléchi sagement à quel point ils ont laissé leurs sentiments personnels interférer avec le bien public. 
Voilà donc ma position actuelle. Mais on n’est jamais trop sur ses gardes dans un tel cas, de peur que ses actes ne soient entachés d’obstination ou de respect indu pour l’opinion des hommes. Laissez-lui voir qu’il ne fait que ce qui lui appartient et en temps. 

Je pense que parfois, pourquoi, ce peuple est bien intentionné, ils ne sont qu’ignorants; ils feraient mieux s’ils savaient comment : pourquoi donner à vos voisins la peine de vous traiter comme ils n’ont pas envie de le faire ? Mais je le répète, il n’y a pas de raison de faire comme eux, ou de permettre à d’autres de souffrir d’une douleur bien plus grande d’un tout autre genre. De nouveau, je me répète parfois, quand des millions d’hommes, sans passion, sans mauvaise volonté, sans sentiments personnels d’aucune sorte, ne réclament que quelques shillings, sans possibilité, telle est leur loi, de désavouer ou modifier leurs exigences actuelles, et sans la possibilité, de votre côté, de faire appel à des millions d’autres personnes, pourquoi vous exposer à cette force brute écrasante ? Vous ne résistez pas au froid et à la faim, aux vents et aux vagues, donc avec obstination ; vous vous soumettez à mille nécessités similaires. Vous ne mettez pas votre tête dans le feu. Mais dans la mesure où je ne considère pas cela comme une force brute, mais en partie une force humaine, et que j’ai des relations avec des millions d’hommes, que ce sont des hommes et non de simples brutes ou choses inanimées, je vois qu’un appel à leur jugement est possible, d’abord et instantanément à leur créateur, et d’autre part à eux-mêmes. Mais si je mets délibérément ma tête dans le feu, il n’y a aucune raison d’en appeler au feu ni au Créateur du feu, je ne peux que m’en prendre à moi-même. Si je pouvais me convaincre que j’ai le droit d’être satisfait des hommes tels qu’ils sont et les traiter en conséquence, et non selon, à certains égards, mes demandes et attentes de ce qu’eux et moi devrions être, alors, comme bon Musulman et fataliste, je m’efforcerais de me satisfaire des choses telles qu’elles sont et de me dire que c’est la volonté de Dieu. Et, par-dessus tout, il y a cette différence entre résister à cela et à une force brute purement naturelle, pour que je puisse y résister avec quelque effet ; mais je ne peux pas espérer, comme Orphée, changer la nature des rochers, des arbres et des bêtes.

Je ne souhaite pas me quereller avec un homme ou une nation. Je ne désire pas couper les cheveux en quatre, faire de subtiles distinctions ou prétendre être meilleur que mes voisins. Je pourrais même dire que je cherche toujours une excuse pour me conformer aux lois du pays. Je suis d’ailleurs trop prêt à m’y conformer. En effet, j’ai raison de me suspecter sur ce plan ; et chaque année, quand le collecteur d’impôt fait sa tournée, je me trouve disposé à passer en revue les actes et la position du gouvernement général et du gouvernement de l’État, ainsi que l’esprit du peuple, à la recherche d’un prétexte à m’y conformer.

« Aimons notre pays comme nos parents,
Et si une fois nous négligions
De l’honorer d’amour ou d’industrie,
Respectons les biens et enseignons à l’âme
La règle de conscience et de religion,
Et non le désir de pouvoir ou de gain. »

Je pense que l’État sera bientôt en mesure de retirer de mes mains tout travail de ce genre, et je ne serai alors pas meilleur patriote que mes concitoyens. D’un point de vue inférieur, la Constitution, avec tous ses défauts, est très bonne ; la loi et les tribunaux sont très respectables ; même cet État et ce gouvernement américain sont, à bien des égards, des choses très admirables et rares pour lesquelles nous devons être reconnaissants, comme beaucoup les ont décrites ; vu d’un peu plus haut, et même d’encore plus haut, qui peut dire ce qu’ils sont, ou s’ils méritent d’être regardés ou d’y penser ?

Cependant, le gouvernement ne me concerne pas beaucoup et je lui accorderais le moins de réflexions possible. Je ne vis pas beaucoup de temps sous un gouvernement, même dans ce monde. Si un homme est libre dans sa pensée, sa fantaisie, et son imagination, ce qui n’est jamais longtemps ce qu’il lui semble être, fatalement les dirigeants ou les réformateurs imprudents ne peuvent l’entraver. 

Je sais que la plupart des hommes pensent différemment de moi ; mais ceux dont la vie professionnelle est vouée à l’étude de ces sujets ou de sujets analogues me satisfont aussi peu que possible. Les hommes d’État et les législateurs sont tellement au sein de l’institution qu’ils ne la voient jamais clairement et sans fard. Ils parlent de la société en mouvement, mais n’ont pas de lieu de repos hors d’elle. Ce sont peut-être des hommes d’une certaine expérience et d’une certaine distinction, et ils ont sans aucun doute inventé des systèmes ingénieux et même utiles, pour lesquels nous les remercions sincèrement ; mais tout leur esprit et leur utilité se situent dans des limites restreintes. Ils ont pour habitude d’oublier que le monde n’est pas régi par des politiques opportunistes. Webster ne se tient jamais derrière le gouvernement et ne peut donc en parler avec autorité. Ses paroles sont sagesse pour les législateurs qui n’envisagent aucune réforme essentielle dans le gouvernement en place; mais pour les penseurs et ceux qui légifèrent pour toujours, il est toujours hors sujet. Je connais ceux dont les spéculations sereines et sages sur ce thème révèleraient bientôt les limites de la portée et de l’ouverture de son esprit. Pourtant, comparés aux médiocres capacités de la plupart des réformateurs et à la sagesse encore moindre de la rhétorique des politiciens en général, ses propos sont presque les seuls sensés et précieux, et nous remercions le ciel pour lui. En comparaison, il est toujours fort, original et surtout pratique. Pourtant, sa qualité n’est pas la sagesse, mais la prudence. La vérité de l’avocat n’est pas la vérité, mais la cohérence ou l’opportunisme cohérent. La vérité est toujours en harmonie avec elle-même et ne vise pas principalement à révéler la justice qui peut consister en un acte répréhensible. Il mérite bien d’être appelé, comme il a été appelé, le défenseur de la Constitution. Il n’y a vraiment pas de coups à lui donner, sinon pour le défendre. Il n’est pas un leadeur, mais un disciple. Ses chefs sont les hommes de 87. « Je n’ai jamais pris d’initiative », déclare-t-il, « et je ne propose jamais de prendre d’initiative ; je n’ai jamais accepté d’initiative, et je n’ai jamais l’intention d’encourager une initiative pour perturber l’arrangement tel qu’il a été conclu initialement, par lequel différents États sont entrés dans l’Union. » Pensant toujours à la sanction de la Constitution contre l’esclavage, il déclare : « Puisque cela faisait partie du traité initial il est toujours valable ». Malgré son acuité et sa capacité particulières, il est incapable de soustraire un fait de ses relations purement politiques, et le voit comme s’il devait absolument être éliminé par l’intellect - par exemple, ce qu’il appartient à un homme de faire ici en Amérique de nos jours concernant l’esclavage - nous nous efforçons ou sommes amenés à apporter une réponse aussi désespérée à ce qui suit, tout en prétendant parler d’une manière absolue, et en tant qu’homme privé - quels sont les nouveaux et singuliers devoirs sociaux qui pourraient en être déduits ? « La manière, dit-il, dont les gouvernements des États où l’esclavage existe doivent le règlementer est de leur ressort, sous la responsabilité de leurs électeurs, des lois générales de bienséance, d’humanité et de justice, et celle de Dieu. Les Associations formées ailleurs, nées d’un sentiment d’humanité ou de toute autre cause, n’ont rien à voir avec elle. Elles n’ont jamais reçu aucun encouragement de ma part et ne les auront jamais. » [Ces extraits ont été insérés depuis la lecture de la conférence -HDT] 

Ceux qui ne connaissent aucune source de vérité plus pure, qui n’ont pas suivi son cours plus haut, s’en tiennent, et s’en tiennent sagement, à la Bible et à la Constitution, et la boivent avec respect et humanité ; mais ceux qui voient d’où vient le ruissèlement dans ce lac ou cette mare, ceignent à nouveau leurs reins et poursuivent leur pèlerinage vers la fontaine. 

Aucun homme avec un génie pour la législation n’est apparu en Amérique. Ils sont rares dans l’histoire du monde. Il y a des orateurs, des hommes politiques et des hommes éloquents, par milliers ; mais l’orateur, capable de régler les questions épineuses du jour, n’a pas encore ouvert la bouche pour parler. Nous aimons l’éloquence pour elle-même, et non pour la vérité qu’elle pourrait contenir ou l’héroïsme qu’elle inspirerait. Nos législateurs n’ont pas encore appris la valeur comparative du libre-échange et de la liberté, de l’union et de la rectitude pour une nation. Ils n’ont ni génie ni talent pour des questions relativement modestes en matière de fiscalité et de finance, de commerce et d’industrie et d’agriculture. Si nous étions laissés à la merci des législateurs du Congrès pour nous guider, non corrigés par l’expérience opportune et les réclamations justifiées du peuple, l’Amérique ne tiendrait pas longtemps son rang parmi les nations. Il y a dix-huit-cents ans, bien que je n’aie peut-être pas le droit de le dire, le Nouveau Testament a été écrit ; pourtant, où est le législateur qui a suffisamment de sagesse et de talent pratique pour tirer parti de la lumière qu’il jette sur la science de la législation ? 

L’autorité du gouvernement, tel celui à qui je veux bien me soumettre est toujours illégitime. J’obéirai avec joie à ceux qui savent et peuvent faire mieux que moi, et même à ceux qui ne savent ni ne peuvent faire aussi bien : pour être tout à fait juste, il doit avoir l’approbation et l’autorisation des gouvernés. Il ne peut avoir aucun droit légitime sur ma personne et mes biens, mais ce que je lui concède. Le passage d’une monarchie absolue à une monarchie éclairée, d’une monarchie éclairée à une démocratie, est un progrès vers un véritable respect de l’individu. Même le philosophe chinois a eu la sagesse de considérer l’individu comme la base de l’empire. Une démocratie telle que nous la connaissons constitue-t-elle la dernière amélioration possible au gouvernement ? N’est-il pas possible de faire un pas de plus vers la reconnaissance et l’organisation des droits de l’homme ? Il n’existera jamais d’État vraiment libre et éclairé tant que l’État ne reconnaitra pas l’individu en tant que pouvoir supérieur et indépendant, à partir duquel tout son pouvoir et son autorité sont dérivés, et le traite en conséquence. Je me plais à imaginer enfin un État qui puisse se permettre d’être juste avec tous les hommes et de traiter l’individu avec respect comme un voisin ; qui même ne croirait pas incompatible avec son propre repos si quelques-uns vivaient à l’écart, sans se mêler de ses affaires, ni être opprimés par lui, pourvu qu’ils s’acquittent de tous les devoirs du voisin et du camarade. Un État qui porte ce genre de fruit, et supporte qu’il tombe aussi vite qu’il a muri, préparerait la voie à un État encore plus parfait et plus glorieux, que j’ai également imaginé, mais encore vu nulle part.

Fin du texte de Henry David Thoreau


Remarque personnelle (E. Berlherm) : Le point de vue de Thoreau, et son analyse sont intéressants en tant qu’homme libre, émancipé à sa majorité sociale, mais ne tiennent pas compte du point de départ qui n’est pas celui d’un homme libre d’exister. Notre humanité que beaucoup prétendent supérieure à l’animalité ne doit-elle pas nous faire envisager ce point de départ autrement, afin de résoudre nos problèmes sociaux de la bonne façon ?

Toute personne à qui l’on impose d’exister devrait au moins pouvoir vivre avec un corps sain et un intellect sain, sur une planète saine et non belliqueuse, et d’y mener gratuitement une vie longue et intéressante. Nous devrions tous être traités comme des invités.

Il est plus important de faire cesser le malheur et surtout de ne pas en rajouter, que de ménager les personnes. 

L’obligation d’exister implique le fait de ne pas être responsable d’exister ni d’aucune de nos actions au cours de l’existence.

Fin
E. Berlherm

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