Cinq Questions Existentielles
(La vérité est un bien public, donc un service public)
1) Utilité de l’existence : (La Vie dans son ensemble, l’espèce humaine, la société et les nations, l’individu)
2) Comparaison des préjudices : (Personne existante et personne que l’on désire fabriquer)
3) Procréation animale sans contrôle : (Animalité Vs Humanité)
4) Les précurseurs de l’existence : (Ovocyte et spermatozoïde, embryon et fœtus, nourriture)
5) Procréation mère de tous les crimes : (Procréation en tant que crime en soi et par complicité, et génératrice de tous les crimes et de toutes les souffrances)
1) L’utilité de l’existence
La première question à se poser est celle de l’utilité de l’existence. Peut-on justifier de produire un être si son existence même est dépourvue d’utilité ? Fabriquer un être humain sans utilité, c’est réaliser un acte inutile.
Mais de quelle utilité parle-t-on ? Il convient de distinguer :
l’utilité de la vie en général,
l’utilité de notre espèce en particulier,
L’utilité de la société,
l’utilité de la nation,
et l’utilité de chaque individu.
Pour chacune de ces dimensions, il convient d’examiner l’utilité à trois étapes cruciales : avant, pendant et après la vie. Avant la vie, aucune utilité ne semble évidente, puisqu’il n’y a personne pour en bénéficier. Pendant la vie, l’utilité est souvent perçue mais rarement démontrée objectivement : la société humaine crée des récits, des croyances, des mythes et des valeurs artificielles afin de combler le vide de sens inhérent à l’existence elle-même. Enfin, après la vie, quelle est l’utilité de ce qui a été vécu, sachant que tout individu disparaîtra un jour, et que toute espèce, y compris la nôtre, est vouée à l’extinction ? Quelle est l’utilité de toutes les Cultures variées de chaque peuple, de tout le Savoir humain — la Science, qui vont toutes disparaître sans exception ?
Quand on existe, le seul suspense est de savoir quand la mort surviendra : trop tôt, plus tôt que prévu, plus tôt que « normal ». Mais on va mourir de toute façon. La vie est donc un simple couloir vers la mort.
À l’inverse, quand on n’existe pas, il n’y a pas de risque — et pourtant, c’est là que l’existant impose la vie en la fabriquant à l’aveugle, aléatoirement. On fabrique un être sans qu’il ait demandé à être là. Sans utilité. Avec en prime la certitude pour lui de mourir. On lui donne une existence dont il ne peut tirer ni utilité préalable, ni garantie de bonheur. En fait on ne lui donne rien, car on donne à quelqu’un d’existant. Ce n’est donc ni un cadeau ni un bénéfice d’avoir été fabriqué.
Produire une existence inutile, c’est fabriquer inutilement, et cette inutilité frappe surtout celui qui n’existait pas encore. Pourquoi fabriquer quelqu’un, si c’est pour lui faire courir tous les risques liés à la vie, dont celui non négligeable d’être malheureux — comme le sont d’innombrables humains sur cette planète ? Et comme devrait l’être toute personne empathique devant la souffrance des autres, visible ou pas.
Quelle a été l’utilité de :
la première cellule ?
la première forme de vie multicellulaire ?
la première coccinelle, le premier asticot, le premier oiseau ?
le premier être humain ?
Ces créations s’inscrivent dans une chaîne de continuité, mais cette continuité elle-même est-elle utile ? Toute espèce est vouée à disparaître. À quoi bon vouloir pérenniser ce qui ne peut être pérenne ?
Dès lors, quelle est l’utilité de créer un nouvel individu ? Pour lui-même, il n’y en a aucune. L’utilité ne se trouve que du côté du fabricant : compagnon, prolongement de soi, soutien, renfort économique ou politique — un citoyen supplémentaire, un vecteur de PIB. C’est un acte politique que de faire un enfant, dans ce cas.
Mais pour la personne fabriquée ? Quelle est son utilité pour elle-même ? Il n’y en a pas. Et c’est là que l’interrogation éthique surgit.
On pourrait opposer à l’utilité instrumentale une potentielle valeur intrinsèque de la vie ; cependant, même cette notion reste problématique, puisqu’elle est attribuée sans le consentement de l’être créé. Face à l’absence d’utilité évidente, les sociétés humaines inventent des récits (mythes, croyances, philosophies) pour donner l’impression que l’existence possède une valeur intrinsèque.
L’absence apparente d’utilité plonge souvent l’individu dans une quête anxieuse de sens, générant parfois une souffrance psychologique aiguë face à l’absurdité perçue de la vie. » La perpétuation d’une existence sans justification éthique entraîne non seulement une souffrance individuelle, mais aggrave aussi les dommages écologiques irréversibles causés par l’expansion humaine.
L’existence humaine est souvent perçue comme une norme imposée, rarement remise en question ouvertement, renforçant ainsi l’idée erronée d’une utilité implicite et absolue de la vie. Celui qui fabrique une vie sans justification éthique prend une responsabilité immense : il impose une existence potentiellement douloureuse sans possibilité de consentement préalable.
L’utilité prétendue de l’existence humaine est souvent évaluée à très court terme ou à une échelle strictement individuelle. Or, une véritable réflexion sur l’utilité devrait considérer les conséquences globales et à long terme de l’existence humaine, telles que la souffrance future des générations à venir, la préservation des ressources planétaires, ou encore les crises environnementales irréversibles.
La problématique écologique accentue encore ce questionnement. La multiplication humaine incontrôlée, motivée par des besoins sociaux ou économiques immédiats et superficiels, accélère la destruction de l’environnement, mettant ainsi en péril toutes les formes de vie sur Terre. L’absence de réflexion sur l’utilité réelle de l’existence contribue donc directement aux crises écologiques et sociales majeures qui menacent l’équilibre même de notre planète. A-t-on seulement réfléchi à la surpopulation locale comme l’a fait mon matheux d’un lointain passé ?
Il existe également une pression sociale implicite à considérer l’existence comme une obligation naturelle et évidente. Rares sont ceux qui osent remettre en question publiquement le bien-fondé de l’acte de procréation. Cette obligation sociale rend plus difficile la prise de conscience individuelle et collective des responsabilités éthiques associées à l’acte de fabrication d’un être humain.
Si l’humain est capable de réfléchir à l’utilité de ses moindres gestes — alors pourquoi ne s’interroge-t-il pas sur l’utilité d’imposer l’existence à autrui ?
En conclusion, la réflexion sur l’utilité de l’existence dépasse largement la simple interrogation philosophique : elle constitue une nécessité éthique fondamentale pour toute décision consciente et responsable en matière de procréation. Puisque la vie est une question d’éthique et de Justice, alors il faut en passer par la justice ! La justice doit imposer l’éducation.
2) Préjudice absolu et préjudice relatif
Il est essentiel de distinguer deux formes de préjudice : celui que l’on inflige à une personne déjà existante, et celui que l’on inflige en fabriquant une personne.
Le préjudice subi par un individu déjà existant est relatif : c’est une perte, une douleur, un accident, une maladie, parfois même la mort. Mais ces risques font partie intégrante de la condition humaine. La personne, une fois née, peut adopter des stratégies pour réduire ces risques : prudence, prévention, protection. Elle peut même, dans certains cas, se défendre ou chercher réparation. Les aléas sont nombreux, mais non absolus.
En revanche, le préjudice infligé par la fabrication même d’un être est d’un autre ordre. C’est un préjudice absolu, infini, car il n’existait aucun risque auparavant. Le passage du néant à l’existence est un passage de zéro à tous les risques possibles : souffrir, mourir, perdre, être abandonné, subir l’injustice, être torturé, être oublié… Autant de possibilités imposées sans que l’être ait pu s’en prémunir, ni même y consentir. Mathématiquement, les risques sont infinis.
Autrement dit, ne pas exister préserve de tout danger, de toute douleur, de toute perte. C’est l’état de sécurité parfaite, une personne non fabriquée ce sont des souffrances de tout ordre qui n’existeront jamais, qui ne seront pas fabriquées par les existants. Fabriquer un être, c’est le plonger dans une réalité où la souffrance et la fin sont garanties.
L’être déjà existant peut espérer limiter les préjudices. L’être que l’on envisage de fabriquer n’a aucune défense, car il n’a encore aucun pouvoir. Le préjudice initial est donc infini : c’est l’introduction de la vulnérabilité totale.
3) Entre animalité et humanité
La question de la procréation oppose deux dimensions fondamentales de notre condition : notre animalité instinctive et notre humanité réfléchie.
Le natalisme, sous sa forme brute, relève de l’animalité : une pulsion, un automatisme, un réflexe de perpétuation. Les animaux se reproduisent parce que c’est ainsi qu’ils sont programmés. Tant que les conditions s’y prêtent, la reproduction se fait, sans question, sans recul, sans conscience des conséquences. Aucune considération n’est accordée à la souffrance potentielle de la descendance, ni aux risques qu’elle devra affronter. C’est une mécanique aveugle, sourde à la douleur future.
Cette logique a permis à la vie de se répandre partout sur Terre, depuis les premières cellules jusqu’aux espèces dominantes. L’évolution a favorisé les plus adaptables, les plus invasifs, parfois les plus destructeurs. Et dans ce schéma de compétition, l’espèce humaine est devenue la plus forte, imposant sa domination sur les autres vivants, souvent sans réflexion, à l’image d’un processus animal amplifié.
Mais l’être humain possède aussi une autre capacité : la pensée éthique. Là où l’animal procrée, l’humain peut s’interroger. L’antinatalisme, dans cette optique, est l’expression de l’humanité consciente — une voix faible, mais lucide qui s’élève, souvent dans un désert moral, face à l’aveuglement collectif.
Là où l’animal perpétue l’espèce sans souci de justice ou de bien-être, l’humain peut choisir la réflexion éthique, tournée vers la réduction de la souffrance, la liberté, l’égalité, et une justice véritable. L’antinatalisme devient alors un symbole d’humanité aboutie, capable de résister à l’appel aveugle de l’instinct reproducteur.
Le rationaliste rejoint et approuve l’antinataliste dans son raisonnement.
4) Les précurseurs de l’existence : une autre vision de la non-existence
Les débats entre natalistes et antinatalistes font souvent référence à la non-existence. Pourtant, ce mot n’est pas tout à fait juste. Car avant l’existence consciente d’un individu, il y a ce que l’on pourrait appeler des précurseurs de l’existence : les ovocytes et les spermatozoïdes, (c’est ainsi également que sont considérés embryon et foetus).
Ce sont des éléments biologiquement bien réels, vivants à leur manière, et porteurs d’un potentiel. Alors, pourquoi ne parle-t-on pas d’eux ? Pourquoi en sélectionner quelques-uns seulement pour les transformer en personnes, alors que des milliards d’autres sont écartés, détruits, négligés ? Pourquoi ne pas « donner la vie » à tous les précurseurs, si la vie est en soi un bien à promouvoir ? Pourquoi ce tri arbitraire ? Pourquoi ne pas laisser faire l’évolution, la nature ? Que le plus fort gagne ?
Les poissons, eux, libèrent l’ensemble de leurs ovocytes en une seule fois. Certaines espèces, comme la pieuvre, pondent des centaines de milliers d’œufs, dont seuls deux survivront en moyenne temporelle jusqu’à extinction de l’espèce. Chez l’humain, au contraire, on sélectionne et contrôle drastiquement, au nom de la parentalité, de la stabilité sociale, de la gestion économique.
Ce constat rend floue la notion de non-existence absolue. Car les précurseurs existent déjà. Ils sont là, disponibles, vivants, en attente d’un évènement (la fécondation) que certains choisissent d’initier. La non-existence complète n’existe pas vraiment, puisque les éléments biologiques de l’existence sont déjà présents, et que c’est l’acte de fabrication qui les transforme en individus exposés à tous les risques. La copulation est-elle réellement un acte soumis à une volonté libre, éthique, raisonnée, empathique ? Le pouvoir d’imposer (l’existence) est-il éthique, alors que la liberté est un principe fondamental et nécessaire de la vie animale ?
Et l’on pourrait même élargir encore : la nourriture elle aussi précède l’existence ; elle est l’ensemble des briques de notre corps. Elle est disponible, parfois gratuite, présente sur Terre bien avant nous. Elle aussi est un précurseur. Tout est prêt — sauf l’accord de l’être à venir, qu’on n’attendra jamais. Les mères n’ont-elles pas besoin d’être alimentées pour procréer, et bien alimentées pour procréer dans de bonnes conditions ?
5) La procréation, mère de tous les crimes
Dire que la procréation est la mère de tous les crimes, ce n’est pas une formule provocante : c’est une constatation logique. Sans procréation, aucun être humain n’existerait, et donc aucun crime humain ne pourrait être commis. L’existence des crimes est donc, en toute rigueur, conditionnée par la fabrication des individus.
Chaque naissance rend possibles tous les crimes humains — des plus anodins aux plus atroces. Ainsi, celui ou celle qui choisit de procréer introduit un être dans un monde où le crime existe, et où cet être pourra souffrir, tuer, être tué, violer ou être violé, torturer ou être torturé. Ce n’est pas une abstraction : c’est le risque réel de toute existence humaine.
Procréer, c’est donc accepter d’être à l’origine indirecte non seulement de la vie, mais aussi de toutes les violences humaines. C’est aussi valider par avance que d’autres puissent faire de même. En procréant volontairement, on accepte la règle commune : chacun a le droit de fabriquer des êtres sans leur demander leur avis, quels que soient les risques à venir.
Cette acceptation tacite fait du procréateur un complice universel : il ne peut prétendre ignorer les conséquences générales de l’acte de fabriquer un être dans ce monde. Ainsi, la procréation n’est pas seulement la cause première des crimes humains : en tant que complicité généralisée permanente, elle devient aussi le crime originel, celui qui rend tous les autres possibles.
Les humains ont inventé la notion de responsabilité dans un univers qui, lui, fonctionne comme un immense mécanisme totalement dépourvu de responsabilité (aresponsable). Ne devraient-ils pas remettre en question leurs comportements plutôt que de s'attribuer cette responsabilité comme s’ils étaient des êtres divins ? En réalité, aucun humain n'est fondamentalement responsable ; chacun possède simplement un potentiel d’apprentissage lui permettant d'évoluer. Quoi qu'il en soit, puisque votre existence vous a été imposée, vous demeurez innocents d’exister en permanence, malgré les fantasmes de responsabilité que vous entretenez. Un fantasme de plus… Cessez de punir et de vous punir ! Éduquez !
Fin – E. Berlherm
[La contrainte d’existence implique l’innocence d’exister en permanence.]
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