lundi 6 octobre 2025

 

L’égalité homme-femme : une avancée ou une illusion ?


(La vérité est un bien public, donc un service public.)

L’égalité homme-femme : une avancée ou une illusion ?

Quand on parle d’égalité homme-femme, de quoi parle-t-on vraiment ? S’agit-il d’une égalité réelle entre tous les êtres humains ou simplement d’une égalité d’accès à un système déjà inégalitaire ?

L’égalité dans le système actuel

Aujourd’hui, l’égalité revendiquée consiste surtout à donner aux femmes les mêmes possibilités qu’aux hommes : grimper dans la hiérarchie, accumuler richesses et pouvoir. Mais cette égalité-là n’est qu’une égalité de façade : elle ne fait que renforcer la logique existante, celle d’un système féodal modernisé qu’on appelle démocratie.

En intégrant pleinement les femmes à cette mécanique, on ne libère pas l’humanité : on double la puissance du système féodal. Car une fois que toute l’humanité joue le même jeu de la compétition et de l’enrichissement individuel, il devient presque impossible d’imaginer une alternative.

La vraie égalité

La véritable égalité ne peut pas se réduire à l’égalité des chances dans une course hiérarchique. Elle suppose que tout ce qui est nécessaire à la vie soit gratuit et accessible à chacun, afin d’abolir le chantage initial inhérent à notre condition humaine — cette contrainte issue de notre fabrication — que sont la faim, la soif, le froid, la santé, etc.

Elle suppose aussi qu’on abolisse la hiérarchie sociale et l’accumulation individuelle de richesses, qui contredisent par essence le principe d’égalité.

D’ailleurs, un détail révélateur : en 1789, la Déclaration française des droits affirmait que les hommes « naissent et demeurent libres et égaux en droits ». En 1948, la Déclaration universelle a supprimé le mot « demeurent ». Nous serions égaux à la naissance, mais après… basta ! C’est reconnaitre implicitement que l’égalité n’existe pas vraiment.

La contrainte d’exister et l’aresponsabilité

À ce constat s’ajoute une donnée fondamentale : nous n’avons pas choisi de naitre. Chaque être humain est placé devant le fait accompli, sous la contrainte d’exister. De ce fait, il est aresponsable de son existence, donc de ses actes en permanence : nul ne devrait être jugé, pénalisé ou hiérarchisé simplement pour le fait d’exister.

Or, dans nos sociétés hiérarchisées et inégalitaires, c’est exactement ce qui se produit : on classe, on valorise, on dévalorise des individus qui n’ont jamais choisi les conditions de départ de leur vie ; qui n’ont pas tous les capacités physiques ou intellectuelles ou simplement le désir de grimper les échelons de la hiérarchie sociale. N’avons-nous pas tous été désirés par la société ?

Une révolution manquée… et à venir

En 1789, les révolutionnaires ont manqué la « bonne » révolution : ils ont proclamé l’égalité sans supprimer la hiérarchie ni l’enrichissement individuel. Aujourd’hui, l’égalité homme-femme, telle qu’elle est mise en avant, risque d’être une nouvelle révolution manquée : une avancée en surface, mais qui laisse intact le cœur du problème.

La véritable révolution ne serait pas d’élargir l’accès au système existant, mais de le mettre à plat, pour que l’égalité cesse d’être un mot et devienne enfin une réalité pour chaque être humain.

La féodalité doit être abolie sous toutes ses formes.

Fin — E. Berlherm

(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.)

Cœur pour cœur : l’unique loi de la réciprocité

 

Cœur pour cœur : l’unique loi de la réciprocité

(La vérité est un bien public, donc un service public.)

Tout être humain naît sans avoir choisi d’exister. C’est la contrainte d’exister : nul n’a décidé de sa venue au monde, nul n’a choisi son corps donc son intellect son milieu ou son histoire. De ce fait, chacun est aresponsable de son existence : il ne peut être tenu coupable d’être ce qu’il est.

De cette donnée radicale découle une conséquence simple : puisqu’aucun être humain n’est coupable d’exister, la seule attitude rationnelle est de ne pas nuire. C’est l’éthique implicite que l’on retrouve déjà chez Hippocrate : « Premièrement, ne pas nuire à autrui. » Dans le Code de la route, c’est encore ce principe premier qui prévaut : ne pas mettre en danger, ne pas blesser, ne pas tuer. Les règles écrites ne sont que des précisions de cette loi fondamentale.

L’éthique trouve son noyau dans la réciprocité empathique : reconnaître en autrui un autre être contraint d’exister, innocent comme soi. On pourrait la résumer ainsi : « Cœur pour cœur. » C’est la véritable loi de la réciprocité, qui invite à traiter autrui comme on voudrait être traité, non par devoir transcendant, mais par simple logique de coexistence.

La loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent ») est une perversion de ce principe. Elle détourne l’empathie originelle en vengeance, en faisant comme si autrui était responsable de ce qu’il est. Sa puissance historique vient de l’émotion négative, violente et cruelle, qui marque plus que la normalité tranquille de l’entraide. Mais elle repose sur une illusion : on punit des êtres aresponsables de leur condition.

Origine biologique et sociale de l’éthique : Les êtres monocellulaires et la plupart des animaux n’ont pas d’éthique : ils manifestent seulement des comportements de survie et de coopération sans conscience d’espèce. Les humains, eux, ont nommé et conceptualisé cette tendance naturelle à l’empathie et à l’association. Ce que nous appelons « éthique » n’est que l’habillage rationnel d’une disposition biologique à coopérer, sans laquelle aucune société ne pourrait durer.

De la pratique à la revendication : Nommer l’éthique lui a donné une autonomie : elle est devenue l’objet des philosophies et le noyau des religions. Mais cette universalité proclamée est fragile. Souvent, les puissants respectent la loi écrite sans se soucier de l’éthique, et transforment même la réciprocité en perversion : punir au lieu d’associer, exploiter au lieu de partager.

De là découle une critique rationnelle de la concurrence : elle érige en vertu l’affrontement d’individus qui partagent pourtant la même contrainte d’exister. Elle oppose les uns aux autres au lieu de les associer, alors que rien n’est plus logique que de coopérer.

Ainsi, replacée dans son contexte fondamental, l’éthique n’est ni morale religieuse ni simple coutume : elle est la conséquence directe de l’innocence d’exister. La véritable loi humaine n’est pas œil pour œil mais cœur pour cœur : la réciprocité bienveillante entre êtres aresponsables, unis par la même condition d’avoir été mis devant le fait accompli.

Fin – E. Berlherm

(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.)

vendredi 3 octobre 2025

« J’ai un cerveau », « J’ai un corps »… ou l’art de se tromper en parlant

 

« J’ai un cerveau », « J’ai un corps »… ou l’art de se tromper en parlant

(La vérité est un bien public, donc un service public.)

Il est courant d’affirmer : « J’ai un corps », « J’ai un cerveau ». Ces formules paraissent anodines, presque banales. Pourtant, elles reposent sur une illusion grammaticale : dire « j’ai » suppose l’existence d’un sujet distinct, d’un « je » qui possèderait un corps ou un cerveau comme un objet extérieur. Or ce « je » n’existe pas indépendamment : il n’est rien d’autre que le corps vivant lui-même, en activité.

Ces phrases peuvent être comprises comme des formes elliptiques pratiques : elles simplifient la communication et permettent de parler rapidement du corps ou du cerveau. Mais elles sont potentiellement trompeuses, car elles induisent l’idée que le corps ou le cerveau seraient possédés par un « moi » séparé. Sans vigilance, elles peuvent nourrir des malentendus philosophiques ou métaphysiques, notamment la croyance en une âme distincte.

Quand la bouche parle

Pour saisir l’absurde que produit notre langage, imaginons la scène : une personne dit « j’ai une bouche ». Pris au pied de la lettre, cela revient à voir la bouche elle-même affirmer qu’elle possède… une bouche. Absurde, car la bouche n’est qu’un organe de phonation, incapable de se posséder. Ce qui parle, c’est le corps tout entier. On peut donc accepter cette phrase comme légitime, de la même manière qu’une voiture pourrait déclarer « j’ai quatre roues » sans que chaque roue se mette à parler.

Mais l’affaire devient plus complexe quand la personne dit « j’ai un corps ». Ici, c’est le corps qui parle de lui-même comme s’il était un objet séparé. La logique devient étrange : comment un corps pourrait-il avoir… un corps ? Et pour « j’ai un cerveau », la situation se complique davantage. Le cerveau n’est pas un organe comme les autres : il est le centre de coordination de l’organisme. Dire que l’on possède son cerveau revient presque à entendre le chef d’orchestre dire qu’il a un chef d’orchestre. Cette construction linguistique installe l’illusion d’un « je » séparé, qui possède et commande, là où il n’y a que le corps et ses mécanismes autorégulés. Trente-sept-mille-milliards de cellules qui ne fonctionnent pas pour le plaisir de l’ensemble.

Origine de l’illusion

Cette erreur s’installe très tôt. L’enfant est présenté à son corps comme à une collection de pièces : « voici ton nez, tes yeux, tes mains… ». Plus tard, les organes internes sont introduits : cœur, foie, cerveau, pancréas. L’enfant apprend à se rapporter à lui-même dans une grammaire de la possession : « mon bras », « mon cerveau ». Cette pédagogie pratique installe une dissociation artificielle : le « je » apparait comme propriétaire d’éléments corporels, au lieu de reconnaitre que le corps lui-même est le « je ».

La notion d’âme comme solution grammaticale

Si « j’ai un corps », il faut bien supposer un « je » distinct pour le posséder. Cette faille logique a été comblée par l’invention culturelle d’un possesseur invisible : l’âme. On peut ainsi formuler l’hypothèse que la notion d’âme n’a pas été découverte par intuition métaphysique, mais inventée comme solution à une erreur de langage.

Platon fit de l’âme la prisonnière du corps, Descartes la sépara de l’étendue matérielle, Nietzsche se moqua du « sujet » supposé derrière l’action, et Ryle dénonça le « fantôme dans la machine ». Plus récemment, Antonio Damasio et Francisco Varela ont montré que l’esprit est inséparable du corps, enraciné dans ses interactions et ses régulations.

Le test révélateur

L’illusion n’est pas seulement théorique. Si l’on demande discrètement à un croyant : « As-tu une âme ? », il répondra avec assurance qu’il en possède une. Mais s’il prenait sa phrase au pied de la lettre, cette âme devrait être le véritable marionnettiste, le « je », et le corps un pantin. Si l’âme existait, ferait-elle ce genre de gaffe ? Ce contraste montre la force du langage : il impose des représentations que la raison critique peine à débusquer.

La réalité

La réalité est plus simple : il n’y a pas de propriétaire derrière le cerveau. Le « je » n’est rien d’autre que ce corps vivant en action, et le cerveau n’est pas un maitre, mais une vaste mémoire active. Il réagit à son environnement, aux signaux internes et à sa propre activité (l’homéostasie, ce fragile équilibre vital).

Ainsi, dire « j’ai un cerveau » est impropre. On devrait plutôt dire : « je suis ce corps vivant animé par un système nerveux ». Mais la langue, façonnée par l’histoire et le dualisme, continue de nous faire croire à un possesseur immatériel, au prix d’un contresens devenu coutume.

Alors, la prochaine fois que vous direz « j’ai un cerveau », souvenez-vous : ce n’est pas vous qui l’avez. C’est lui qui vous a. Et c’est grâce à lui que vous pouvez sourire, en ce moment même, de cette ironie du langage qui nous berne tous dès notre naissance.

Fin — E. Berlherm

(L’obligation d’exister implique l’innocence d’exister en permanence, ce qui est vrai pour les loups comme pour les moutons.)